FILIÈRE MANGUE EN AFRIQUE DE L’OUEST : Quand le Bénin essaye de rehausser son image dans la sous région

L’Afrique de l’Ouest reste la zone principale d’approvisionnement des pays européens en mangue. La production de mangues dans la région est estimée à près de 2 millions de tonnes chaque année. Selon le Conseil de l’Afrique de l’Ouest et du Centre pour la recherche et le développement agricole, à ce jour, la mangue représente plus de 80 % des exportations de l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe. Cela indique que la mangue est un produit essentiel pour l’économie de la région.
En plus de l’exportation, la mangue est également destinée à la consommation locale et joue ainsi un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et l’économie locale. De fait, la mangue occupe une place significative dans l’économie de l’Afrique de l’Ouest en tant que produit d’exportation, de consommation locale et de valeur ajoutée. Néanmoins Il reste des opportunités à saisir pour améliorer la chaîne de valeur de la mangue et exploiter pleinement son potentiel économique dans la région. Les principaux pays phares de la production en Afrique de l’ouest sont entre autres le Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Sénégal. Ces pays producteurs et exportateurs contribuent énormément à l’essor de la filière. Le Mali, producteur majeur cumule la production à 600.000 tonnes l’an et le Burkina Faso suit avec une production de 300.000 tonnes l’année et le Sénégal vient après, avec 150.000 tonnes l’an. En matière d’exportation, la côte d’ivoire bat le record avec une exportation de mangue fraîche estimée à environ 32 800 tonnes l’an. Si ces pays se font remarquer par leurs efforts considérables, d’autres s’efforcent également à contribuer au développement la filière dans la région. C’est le cas du Bénin qui depuis quelques années met en œuvre de nouvelles stratégies de développement des fruits et agrumes.
La place de la mangue dans l’arboriculture au Bénin
Le Bénin dispose d’innombrables atouts pour la production de la mangue mais reste à la traîne dans la sous région. Même si le pays travaille à faire de cette spéculation un produit de rente phare à côté du coton, du soja et du cajou , il faut dire qu’il est encore loin du compte, à côté des plus grands producteurs ouest africains de mangues. Cependant, les efforts en cours, porteront certainement leur fruit d’ici quelques années. En effet, le Gouvernement actuel du Bénin dans ces politiques de réformes agricoles met en œuvre chaque année des campagnes de plantation pour redynamiser la filière.
Il faut noter aussi l’existence de plusieurs projets de lutte contre les mouches de fruits et de mangues, afin d’aider les planteurs à produire des mangues de bonne qualité.
Estimé à plus de 1,330 hectares pour plus de 100,000 pieds de manguiers, l’ensemble des vergers exploités donne une production annuelle de plus de 15,000 tonnes avec une quantité vendue à l’hectare de 1,71 tonne en moyenne pour une production à l’hectare de 15 tonnes.
Les variétés de mangues les plus courantes et appréciées au Bénin sont la Kent, la Keitt et la mangue locale « améliorée ».
Ces variétés sont connues pour leur goût agréable et leur chaire juteuse. En plus de ces variétés, il existe également des variétés locales de manguiers, qui font l’objet de connaissances ethnobotaniques et de recherches. Ces variétés locales contribuent à la sécurité alimentaire et à l’économie locale. Elles sont présentes dans toutes les zones de culture du pays.
Le Bénin à travers cette stratégie de campagne annuelle de plantation, vise à atteindre une production de 22 160 tonnes de mangues chaque année d’ici 2026. La filière est portée par l’Agence Territoriale de Développement Agricole du pôle 5 (ATDA 5). Elle travaille aux côtés des promoteurs pour une production qualitative et quantitative pour l’atteinte de l’ambition.
Organisation de la filière mangue
Au Bénin, il existe des regroupements de producteurs de mangues, notamment la Fédération Nationale des Producteurs de Mangue (FeNaProM), qui regroupe en son sein des Organisations Socioprofessionnelles (OSP) spécialisées dans la production de mangues. Ces regroupements visent à renforcer la filière mangue au Bénin, à augmenter la production et à améliorer la qualité des mangues, notamment par l’introduction de variétés améliorées comme Kent et Amélie.
Soulignons que la Fédération Nationale des Producteurs de Mangue (FeNaProM) Créée en 2019, est la seule faîtière au niveau national qui regroupe des Organisations Socioprofessionnelles (OSP) spécialisées dans la production de la mangue. Elle compte 24 coopératives communales de plus de 700 producteurs de mangues réparties dans les communes des Collines, du Borgou, de l’Alibori, de l’Atacora et de la Donga.
Les commerçants et les transformateurs de mangues ne disposent quant à eux d’organisations connues même s’ils existent quand même.
La transformation n’est pas assez développée et se résume à quelques initiatives privées de séchage et de fabrication de jus.
Les réformes dans la filière
La filière mangue au Bénin connait plusieurs stratégies et réformes de développement surtout avec l’avènement du gouvernement actuel. Il s’agit des stratégies et réformes allant dans l’accompagnement des producteurs, dans l’amélioration de la qualité et de l’augmentation de la quantité de production. Parmi eux, mettons l’accent sur les plus récents. Au titre de la campagne 2022-2023, le gouvernement, souhaitant toujours voir une forte implication de chacun et de tous, a décidé de prendre en charge 80% du prix du pied de manguier greffé, c’est à dire qu’au lieu de 500 FCFA, le plant est cédé à 100 FCFA aux planteurs. Des pépiniéristes sont formés et soutenus financièrement et matériellement pour l’atteinte de cet objectif.
Le but est de hisser la production de la mangue au niveau des pays comme le Mali, le Sénégal et même aller au-delà comme le Bénin a su le faire en ce qui concerne le coton. À cet effet, le Gouvernement à travers le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, ne lésine pas sur les moyens et va au-delà de la subvention des plants aux planteurs. Toujours pour les accompagner dans la production, il procède sur les ressources du Programme National de Développement de la Filière Arboriculture Fruitière à l’acquisition et à la mise en place de 1500 kits de pièges au profit des planteurs pour la lutte contre les mouches de fruits dans les vergers de manguiers et d’agrumes. Le gouvernement met également en place 25 hectares d’unités pilotes de modèles d’irrigation soutenables et rentables dans les vergers de manguiers ; l’acquisition d’équipements au profit de 7 brigades de service pour l’installation et l’entretien des nouvelles plantations de manguiers.
La combinaison de ces différentes actions permettra à l’horizon 2026 l’atteinte les objectifs initiaux de faire passer la production de 16.610 tonnes l’an à 22.160 tonnes dont au moins 8% seront transformées en différents dérivés avec le respect des normes de qualité et 25% exportées sur le marché international.
Avec ces réformes, la mangue béninoise essaye d’impacter dans sa diversité. La filière, même si elle ne répond pas encore totalement à l’ambition, elle est en train de connaître une importante croissance, malgré les difficultés que rencontrent les acteurs; de la production à la transformation, en passant par la commercialisation.
Les obstacles liés au développement de la filière
La production de mangues au Bénin est confrontée à plusieurs difficultés, notamment la qualité des fruits (défauts liés aux mouches des fruits et à la fusariose) et les pertes post-récoltes, selon les producteurs. La prolifération des mouches de fruits et de la fusariose est une maladie fongique qui affecte considérablement la qualité et la quantité des fruits entraînant des pertes économiques importantes. À celà s’ajoute les techniques de post-récolte inadéquates aggravant ces pertes, avec des estimations de pertes de plus de 50% pendant la campagne agricole. Pour Azerkè Timothée producteur de mangue à Tchatchou, les mouches de fruits restent un obstacle premier à la production. «C’est une difficulté qu’on essaye à chaque campagne de production d’affronter. Car une fois nos vergers attaqués, la production prend un coup. Les mangues sont infectées même avant la maturation» confie-t-il.
Pour une période de forte commercialisation qui s’étend généralement de mai à septembre, les mangues sont largement disponibles sur les marchés locaux, offrant ainsi aux consommateurs locaux un accès direct à ce fruit délicieux et nutritif. Étalées aux bords de grandes voies, dans les grands marchés et même dans les petits coins des quartiers, c’est une abondance de ce fruit qui s’observe. Malheureusement, ni la consommation de la mangue fruit ou de la mangue transformée n’arrivent pas à absorber toute la quantité de la mangue existante sur le marché national en cette période d’abondance. À en croire Tawema Adeline vendeuse grossiste de ce fruit à Tchatchou, lorsqu’elle remarque des mangues gâtées, elles n’hésitent pas à les jeter à la poubelle. Et c’est ce que font la plupart de ses pairs nous confie -t-elle. À celà s’ajoute le problème du manque d’infrastructures de stockage et de transport adéquates qui complique la commercialisation. Finalement, les mangues qui ne répondent pas aux exigences esthétiques du marché ou qui ne sont pas vendues se retrouvent délaissées. Ainsi, la gestion des mangues non vendues devient un défi crucial. Des quantités significatives de mangues invendues se retrouvent gaspillées sur des tas d’ordures, entraînant des conséquences environnementales et économiques préoccupantes.
Au Bénin, en outre de l’exportation de la mangue fraîche, les entreprises locales produisent des jus de mangue, des purées, des confitures et des mangues séchées, ajoutant ainsi de la valeur à la filière. Cette diversification permet d’exploiter le potentiel économique de la mangue béninoise. Cependant la transformation peine à répondre de manière efficace pour réduire les pertes post récolte.
Ceci se justifie par l’insuffisance des industries de transformation et le manque d’accompagnement spécifique des transformateurs agroalimentaires existants. Éliezer Gadonou transformateur à Parakou, estime que les accompagnements et aides d’ordre gouvernemental vont presque toujours au profit des producteurs délaissant les transformateurs agroalimentaires. «Nous demandons une attention particulière des autorités, des appuis techniques à la transformation pour l’amélioration de nos infrastructures. Plus nous sommes équipés et accompagnés, nous pouvons transformer en quantité afin de participer efficacement à la conservation des mangues et à réduire les pertes qu’on observe à chaque campagne» a-t-il plaidé.
Défis et perspectives
Pour le développement de la filière mangue au Bénin et l’atteinte de l’ambition des 22.160 tonnes de production l’an, il urge de renforcer tous les maillons de la filière de la production à la commercialisation en passant par la transformation. La formation des producteurs de mangues à des pratiques agricoles durables et à la gestion post-récolte pour limiter les pertes. Il est également crucial que les agriculteurs soient formés aux techniques de récolte, de traitement et de conservation adaptées aux conditions locales. Les autorités et les organisations non gouvernementales doivent intensifier les efforts pour sensibiliser les producteurs aux méthodes de stockage améliorées, à l’emballage moderne et à l’utilisation d’infrastructures de conservation telles que les chambres froides. L’accès à des financements à faible coût pour les agriculteurs et les entreprises de transformation peut faciliter l’adoption de technologies modernes et d’infrastructures de conservation efficaces. Faire de l’exportation des mangues l’un des piliers de développement la filière serait d’un support non négligeable pour l’économie nationale.
Moudachirou ALIOU