Usage des produits phytosanitaires dans l’agriculture : Vraie ou fausse menace sur la santé des populations ?

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Largement dépendant de son agriculture pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, le Bénin, à l’instar de plusieurs pays dans le monde, a opté pour l’utilisation des Produits Phytosanitaires (Pps). Non sans conséquences sur l’environnement et surtout sur la santé des populations, ces produits font, aujourd’hui, l’objet d’un sérieux débat quant à la poursuite ou non de leur usage.

Par Gervais DASSI & Daouda BONI

                Les produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques (fongicides, insecticides et herbicides) ont le vent en pourpre. En effet, leur apport dans la course à la productivité et à la rentabilité agricole reste non négligeable. Se passer de leur usage, actuellement, conduirait selon certains experts agricoles à une baisse de 40 % des rendements agricoles. C’est ainsi que plusieurs produits phytosanitaires sont de plus en plus utilisés. L’objectif surtout étant d’améliorer le rendement des cultures en les protégeant contre des organismes indésirables. On regroupe les produits phytosanitaires en trois groupes à savoir :  les fongicides, qui combattent les champignons et les moisissures susceptibles de se développer sur les plantes ; les insecticides qui visent à éliminer les insectes (adultes, juvéniles ou larves) et ; les herbicides, qui, eux, luttent contre les « mauvaises » herbes (aussi appelées adventices). Le terme « mauvaise herbe » ne saurait être assimilé à une catégorie de plantes ; il s’agit simplement d’une plante qui pousse là où l’on ne souhaite pas sa présence. Un rosier dans un champ de choux est une mauvaise herbe, à titre d’exemple.

Composition chimique, toxicité et circuit d’approvisionnement

Dans la réalité, au Bénin, les fongicides sont en majorité rencontrées dans les cultures maraîchères. On y retrouve à ce titre le callifert (spécial maraîchage), plant master, sino booster, les produits tels que l’emacot et la cotomence de l’ordre des antichenilles d’usage notamment dans les productions cotonnières. Quant aux insecticides, ils sont en grande partie utilisés dans le secteur cotonnier mais peuvent se retrouver dans presque toutes les productions agricoles. Il existe un nombre impressionnant d’insecticides tels que D-ban super, le Bomec, le K-optimal, le lambda-super, l’acarus… Enfin, l’herbicide demeure le produit le plus vendu sur le marché béninois. Dans cette catégorie, l’aminseal, force-up, gramoking, Faba winsou, nico maïs… sont les plus couramment utilisés. Les produits phytosanitaires contiennent des substances actives plus ou moins toxiques selon le cas du produit utilisé. Au Bénin, il est démontré que la culture du coton consomme à elle seule, une proportion très élevée des insecticides soit 90% environ. Les matières actives contenus dans ces pesticides sont le glyphosate, l’atrazine, le flubendiamide, le spirotétramate et les pyréthrinoïdes (Emamectine, Cyfluthrine, Cyperméthrine, et le Betacyfluthrine). Cependant, ces matières peuvent se retrouver, mais dans une faible proportion dans les cultures vivrières et maraîchères. Les substances chimiques actives les plus fréquemment utilisées pour la composition des produits phytosanitaires sont l’acétamipride, la lambda-cyhalothrine, le chlorpyrifos-ethyle, l’emamectine benzoate, le profénofos ou la cypermethine. Les circuits d’approvisionnements sur le marché béninois, des produits phytosanitaires, sont de trois ordres. Il s’agit d’abord de celui du formel qui est régi par le décret n°92-258 de 1992 et l’arrêté n° 255/MDR/MCAT/DC/CC/CP de 1993. Dans ce circuit, aucun produit ne peut être mis sur le marché sans l’agrément du Comité National d’Homologation, d’Agrément et de Contrôle des Pesticides. Pour ce qui est de leur entrée sur le territoire béninois, la Chine, la France et les Etats-Unis d’Amérique sont les principaux fournisseurs. Mais, plus souvent, du fait du non-respect scrupuleux de ces deux textes, un marché parallèle d’approvisionnement dit « informel » existe. Celui-là prend son origine dans certains pays de la sous-région comme le Ghana, le Burkina Faso, le Togo et le Nigéria. Le dernier circuit local d’approvisionnement est celui généré par les acteurs (producteurs et/ou commerçants notamment), à travers un système de troc ou de vente sur profit. En somme, au Bénin, plus d’une centaine de produits phytosanitaires commerciaux sont répertoriés notamment dans la catégorie des insecticides et herbicides. Parmi ceux-ci, une très faible proportion est homologuée au Bénin. Les pesticides non autorisés proviennent en majorité du circuit informel (93,9 % des herbicides contre 21,5 % des insecticides).

Enjeux environnementaux et les risques sanitaires

Les effets désastreux de l’usage des pesticides sur la biodiversité ne sont plus à démontrer. L’utilisation des intrants chimiques contribue à détruire les organismes vivants dans le sol. A en croire les spécialistes, l’effet de ces intrants phytosanitaires varie selon leur nature, les conditions d’emploi et les caractéristiques chimiques du sol. De ce fait, ils entraînent, à long terme une diminution de l’activité biologique des sols. De même, les engrais mal dosés peuvent tuer le sol et laisser les plantes sans nourriture affectant ainsi la santé des produits récoltés. Par ailleurs, étant plus ou moins solubles dans l’eau, les engrais chimiques ont le pouvoir de facilement polluer les eaux de surface et les eaux souterraines. D’où les intoxications alimentaires parfois enregistrées. Selon l’Institut National de la Santé et de la Recherche médicale basé au Burkina (Inserm 2013), les toxines ingérées sous forme de résidus sont présentes, dans l’eau de boisson, dans l’air inhalé ou par contact de la peau. Selon le même Institut, ce risque eut se manifester sous la forme d’une malformation congénitale chez les enfants. Dans ce sens, plusieurs études sur les animaux indiquent que certains pesticides pourraient produire des effets néfastes sur la reproduction. Parmi les effets possibles, l’anomalie du développement embryonnaire qui inclut les lésions structurales (malformations) et les lésions fonctionnelles (retard de croissance et de développement). L’avortement spontané, l’infertilité, la baisse de libido et la faible mobilité des spermatozoïdes font également partie notamment des effets enregistrables.

La faute à l’ignorance !

De plus, l’exposition aux insecticides lors des traitements, pendant une longue durée et sans matériel de protection adéquat, constitue une source majeure de risque pour la santé des usagers. Ce risque d’exposition pourrait être considérablement réduit si les agriculteurs portaient un équipement complet de protection individuelle. En effet, une grande partie des producteurs utilisent des doses d’insecticides plus élevées que celles recommandées, sans se protéger. Les producteurs béninois, compte tenu de leur faible niveau d’instruction et d’encadrement, méconnaissent la toxicité des pesticides utilisés et maîtrisent peu leur utilisation. Les conséquences de cette situation sont l’intoxication aiguë et chronique des agriculteurs, mais aussi l’exposition des consommateurs aux résidus de pesticides, qui est sous-estimée. Les malaises ressentis par la majorité des producteurs approchés (irritations cutanées, toux, céphalées, nausées et vertiges) pourraient expliquer le caractère nocif ou toxique des substances actives. De plus, non seulement, les exploitants agricoles utilisent les intrants dans les champs mais aussi, ils en font usage pour la conservation des récoltes surtout pour les céréales. Mais, l’usage qui est fait des pesticides lors de cette opération renseigne sur la méconnaissance des règles de stockage et de dosage. En majorité, les producteurs agricoles rencontrés expliquent qu’ils n’ont jamais bénéficié d’une formation dans ce sens. Beaucoup estiment d’ailleurs ignorer, à cet effet, les dangers liés à la mauvaise manipulation des intrants agricoles. « J’utilise les pesticides pour la protection de mes cultures et parfois pour la conservation de mes céréales tels que le haricot et le maïs. Mais, c’est ce que je reçois comme instructions du vendeur au marché que j’applique » explique Alfa Bachirou ; un cultivateur rencontré au quartier Baka, dans le deuxième Arrondissement de la ville de Parakou. Selon la croyance populaire, les produits phytosanitaires n’ont d’autres effets que la destruction des insectes ravageurs. En aucun cas, ils ne pourraient être dangereux pour l’homme que s’il le consommait sur le champ. « Quand le vendeur me dit que le produit a un effet d’une durée de deux mois ou de trois mois, je respecte ce délai avant de consommer ou de vendre » renchérit-il. Voilà donc un argumentaire qui montre que beaucoup de producteurs sont sous informés quant aux risques qu’ils courent en manipulant les produits phytosanitaires. C’est aussi le même son de cloche qui résonne du côté des commerçants. Pour les dames, Alimatou Gambari et Jeane Bossou ; toutes deux, commerçantes de produits tropicaux, sans les insecticides, elles auraient d’énormes pertes financières. « Lorsque nous choisissons, confient-t-elles, un produit de courte durée, nos stocks se décomposent vite ». Grâce aux pesticides, elles peuvent, à les entendre, conserver certains produits pendant une durée de six mois. De ce raisonnement, on peut aisément déduire que le profit est privilégié. Ce qui semble, d’ailleurs, se réaliser au détriment de la santé des populations. « Quand les prix montent sur le marché, certains commerçants livrent leur stock sans penser à la santé des consommateurs » confesse un commerçant sous l’anonymat. Un grave danger sur la santé publique qui doit interpeller les autorités à divers niveaux. Interrogés, les spécialistes des questions environnementales, les agents des structures et institutions agricoles que nous avons rencontrés ont jugé très sensible le sujet de notre enquête, se refusant de facto à répondre aux questions posées.

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