AGRICULTURE ET INSÉCURITÉ À COBLY: Entre inquiétude et résilience, les agriculteurs tiennent bon

Située dans le nord du Bénin, précisément dans le département de l’Atacora, cité des montagnes, la commune de Cobly est un maillon essentiel de l’agriculture dans la région. Couvrant une superficie d’environ 852 km², Cobly est une ville dont la population est majoritairement agricole. La commune partage les frontières avec Boukoumbé au nord, Matéri au sud, et est limitrophe du Togo et du Burkina Faso. Cette proximité frontalière la classe parmi les zones dites « rouges », susceptibles d’insécurité. Dans cette atmosphère morose, marquée par la peur et la méfiance, les activités agricoles, véritable poumon du développement local, continuent tant bien que mal. Malgré tout, les agriculteurs de Cobly ne baissent pas les bras et poursuivent leurs activités. Dans ce contexte délicat, une question s’impose : comment les communautés qui s’adonnent à l’agriculture dans la commune de Colby arrivent-elles à tenir leurs activités champêtres dans un tel climat d’insécurité latent ?
Impact de l’insécurité sur l’agriculture
Découpée en quatre arrondissements Cobly centre, Tapoga, Kontori et Datori, la commune de Cobly a pour principales cultures le maïs et le coton. Le riz, le soja, le sorgho et bien d’autres cultures y sont également pratiquées. Depuis quelques mois, Cobly semble affectée par l’insécurité, une situation qui impacte directement l’agriculture, principale activité économique de la commune. Les champs, situés en pleine brousse, loin des habitations, obligeaient autrefois les agriculteurs à se lever très tôt pour espérer accomplir une journée de travail complète, mais aujourd’hui, ce n’est plus possible. Les agriculteurs doivent se rendre dans les champs à partir de 8h et rentrer avant la tombée de la nuit. « Les hommes sont obligés de revoir leur calendrier d’activités, parce qu’ils vont un peu tard et reviennent tôt. Ceci agit sur la superficie qu’ils pouvaient emblaver », explique Victor Mamadi Moutouama, Conseiller Communal à Tapoga. Il poursuit en ces termes : « Dans notre zone, ceux qui se levaient tard pour aller au champ, c’était à 6h, et certains revenaient à 19h. Mais avec la situation sécuritaire, les hommes sont obligés de perdre du temps et d’aller au champ uniquement en journée pour revenir le même jour». Ces nouvelles contraintes font réduire non seulement les superficies emblavées mais limitent considérablement aussi l’entretien rigoureux des cultures. Les calendriers de suivi des cultures ne sont plus strictement respectés.
Pour le maire Séraphin Nambima, l’impact est également marqué par les déplacements de populations. « Ce qu’il y a eu comme impact, on peut noter les déplacements. Des déplacés externes, des déplacés internes […]. Lorsqu’ils viennent, cela agit sur les récoltes. Ça agit sur la production, il y a la destruction des récoltes », souligne-t-il. Il précise également ceci : « Actuellement, il y a des heures interdites, où les paysans ne peuvent plus aller librement cultiver comme avant. Ils ne peuvent pas passer la nuit dans leur champ […]. Ça agit sur nos cultures, ça agit sur l’économie».
Il est donc clair que l’insécurité pèse lourdement sur la vie agricole et économique de la commune.
À Datori cependant, les activités agricoles se poursuivent plus sereinement grâce à une meilleure sécurisation de la zone. « En matière de sécurité, je pense que nous ne nous plaignons pas. Le commandant de la police des frontières, en collaboration avec les policiers de Datori, veille efficacement sur la zone. Les agriculteurs vont au champ comme cela se doit », rassure Pascal Iloko Kolani, Chef d’Arrondissement de Datori. Pour lui, l’insécurité est davantage liée aux conflits récurrents entre éleveurs et agriculteurs. À part ces tensions, les agriculteurs de Datori travaillent dans la paix.
Cependant, l’écho des troubles dans les communes voisines affecte psychologiquement les agriculteurs de Cobly, qui restent constamment sur le qui-vive. Comme le souligne Félix Kpétikou, Chef d’Arrondissement de Cobly centre, « quand on dit que la maison de ton voisin brûle et que tu dis que chez toi ça va, c’est un faux problème». Généralement, les agriculteurs sous pression psychologique, voient leur rendement affecté. « C’est vrai, nous avons peur d’aller aux champs car c’est loin, mais nous n’avons pas le choix puisque c’est de cela que nous vivons. On ne produit plus autant qu’avant, on se dépêche pour quitter le champ plus tôt. Ça agit sur notre rendement au final », confie un agriculteur. Malgré la peur, les agriculteurs de Cobly font preuve de courage et d’imagination afin de poursuivre malgré tout leurs activités.
Face à cette situation de craintes au niveau des communautés et particulièrement au niveau des agriculteurs, les autorités multiplient les efforts de sensibilisation et de sécurisation.
Le rôle des autorités et des partenaires
La situation sécuritaire préoccupante de la commune de Cobly n’est pas ignorée par les autorités. C’est un véritable défi que tentent de relever ensemble acteurs gouvernementaux et locaux mais aussi les organisations non gouvernementales.
Des mesures sécuritaires ont été mises en place pour permettre aux populations, notamment aux agriculteurs et aux éleveurs, de continuer à exercer leurs activités tout en étant conscients des risques.
Des campagnes de sensibilisation sont organisées dans les arrondissements et villages.
« Par rapport à cette question de sécurité, des dispositions sont prises lors de nos sessions d’arrondissement, où nous donnons des stratégies aux chefs de villages pour éduquer leurs populations sur l’insécurité », explique Félix Kpétikou, Chef d’Arrondissement de Cobly centre.
En plus de la sensibilisation, plusieurs projets sont mis en œuvre pour renforcer la cohésion sociale. « Il y a beaucoup d’actions de la part du gouvernement, beaucoup de projets d’ONG et d’OSC pour faciliter le vivre-ensemble. Il y a des sensibilisations aussi bien de la part des OSC que de l’État, avec l’appui des forces de sécurité pour que la paix règne à Colby», précise le Secrétaire Exécutif de la commune.
Au-delà des actions de sensibilisation, des mesures pratiques ont été adoptées. Les agriculteurs ont été invités à aller aux champs en groupe, à éviter de passer la nuit sur place, et à favoriser le travail en équipe. « On a sensibilisé les gens à aller souvent en groupe », rappelle Victor Moutouama. Les agriculteurs, conscients des enjeux sécuritaires nouveaux, s’efforcent de respecter ces consignes. « Nous allons dans les champs pratiquement en journée et surtout en groupe. Déjà à 17h ou 18h, nous nous mobilisons pour rebrousser chemin avant la tombée de la nuit », témoigne un agriculteur. Un autre ajoute : « Nos autorités nous sensibilisent et sont à nos côtés pour que nous soyons apaisés dans le cœur. Aussi, nous voyons les forces de l’ordre veiller à notre sécurité. »
La situation sécuritaire est donc sous contrôle grâce aux efforts conjoints du gouvernement, des autorités communales et locales et des ONG. Ensemble, ils œuvrent pour maintenir la paix et restaurer la confiance au sein des populations.
Rodrigue Odilon FIODESSIHOUE
(Collaboration)