Transhumance au Bénin : Les affrontements entre agriculteurs et éleveurs, un phénomène à la peau dure

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A chaque campagne de transhumance au Bénin, on assiste à des conflits mortels entre agriculteurs et éleveurs. C’est le cas récemment des affrontements meurtriers entre agriculteurs et éleveurs à Goungoun, une localité située au sud de l’arrondissement de Guéné dans la commune de Malanville. Retour sur le récit d’une situation d’horreur de la transhumance au Bénin. Mais quelles sont les vraies causes de cette situation toujours d’actualité et aux conséquences fâcheuses ? Y-at-il des textes de lois qui encadrent l’élevage et la transhumance au Bénin ? Et face aux répétitifs cas d’affrontements entre agriculteurs et éleveurs, que font les pouvoirs publics ? Pour sortir réellement de cette situation, que faire pour trouver une parade à ce mal ?

Par L. Sébastien DOFFA

Au fil des années, la    transhumance est au cœur des préoccupations de divers acteurs au Bénin. L’enjeu est de taille car il ne se passe presque une campagne de transhumance sans que l’on assiste à des conflits entre agriculteurs et éleveurs qui se soldent souvent par des affrontements mortels quelque part dans le pays. C’est malheureusement le cas, le dimanche 31 mai 2020 à Goungoun, une localité située au sud de l’arrondissement de Guéné dans la commune de Malanville au Nord Bénin. Mais que s’est-il réellement passé ?

La goutte d’eau qui fait déborder le vase…

Ce qu’il faut retenir, il y a eu affrontements entre agriculteurs et éleveurs dimanche 31 mai 2020 suite à une altercation entre un éleveur et agriculteur, confie Docteur Adamou Mama Sambo, président de la Cellule nationale de coordination Bénin de l’Association pour la promotion de l’élevage au sahel et en savane (APESS) et membre de la mission de paix dépêchée sur le terrain à Goungoun. « Ça part toujours d’une altercation entre deux individus et ça devient un conflit entre communautés », remarque- t-il. A ses dires, la situation est restée tendue pendant quelque temps et a touché plusieurs localités. Mais les autorités et autres acteurs n’ont pas croisé les bras face à l’urgence de la situation pour apaiser les esprits.

Ce qu’ont fait pour la circonstance les divers acteurs pour calmer la tension

Sur place, les différents leaders et les responsables notamment des collectivités locales la mairie de Malanville, la préfecture de l’Alibori, la police républicaine se sont investis pour tenter d’aplanir les divergences et calmer la tension. Dr Adamou Mama Sambo, membre de la mission de paix descendue sur le terrain salue les efforts de la police républicaine qui ont permis de calmer la tension et favorisé un environnement de dialogue pour la mission de paix qui a d’abord salué la mémoire des disparus en allant dans les maisons des victimes. Mais elle a également présenté au nom du ministre de l’intérieur et du gouvernement ses condoléances aux familles éplorées. « Ensuite, on a eu une séance d’échange à Guéné où les deux parties étaient représentées par leurs leaders et cette séance s’est tenue en présence du chargé de mission du préfet de l’Alibori, du Maire de Malanville et de son 1er Adjoint et du Chef d’arrondissement de Guéné », confie -t-il. La séance a consisté à ce que chacun dise ce qu’il faut faire pour ne plus tomber dans cette situation. Au cours des échanges, précise Dr Sambo , chacun des acteurs agriculteurs et éleveurs a voulu que son vis-à-vis ait de la retenue pour qu’ils ne vivent pas ce genre de situation car chacun a compris que les choses peuvent se régler autrement que par la violence. Ce qui a été retenu comme essentiel, c’est que chacun travaille pour le retour rapide à la confiance entre agriculteurs et éleveurs et surtout que prochainement tout ce qu’il y a comme différend soit d’abord porté devant les sages des différentes localités, soit devant les élus ou la police républicaine pour un règlement officiel et durable. « On est sorti de la séance rassurée des engagements pris par les acteurs », déclare Dr Sambo avant d’ajouter que la mission de paix s’est également penchée sur les dégâts enregistrés. Les dégâts matériel et humain, ces affrontements en ont laissé derrière eux.

Des chiffres des dégâts matériel et humain…

Il y a eu 9 morts enregistrés dont 7 éleveurs et 2 agriculteurs, une cinquantaine de cases brûlées dans les affrontements entre agriculteurs et éleveurs du 31 mai dernier dans l’arrondissement de Guéné, commune de Malanville. Des chiffres confirmés par la mission de paix descendue sur le terrain. Une situation malheureuse qui vient une fois encore remettre sur tapis les causes de ce phénomène à la peau dure.

Les réelles causes d’une situation toujours d’actualité !

Au titre de la campagne de transhumance en cours au Bénin, les conflits entre agriculteurs et éleveurs à Goungoun dans l’arrondissement de Guéné, commune de Malanville sont loin déjà   d’être les seuls. Avant ceux-là, on a eu ceux de Cobly, de Kalalé, toujours au Nord Bénin. La question que l’on se pose mille et une fois, c’est quelles sont les causes ? Selon Léonce Sacca, Environnementaliste, Sociologue des ressources naturelles et directeurs du Groupe d’études et de recherche sur l’environnement et le développement (Gered), les conflits sont liés au mode d’élevage et la pratique de l’agriculture dans notre pays. Les conflits, explique-t-il, c’est autour des ressources litigieuses appelées espace vert ou le foncier parce qu’il faut avoir des aires de pâturage et des couloirs de passage que doivent emprunter les animaux de sorte que lors du pâturage l’on ne conduise pas le troupeau dans les champs. Si l’origine des affrontements entre agriculteurs et éleveurs ne se situe pas au niveau de la délimitation des couloirs de passage, explique cet expert qui précise que les couloirs ne sont pas définis sans tenir compte des 1eurs occupants c’est-à-dire les exploitants de la terre, il y a un fait avec le temps, constate l’environnementaliste, qui pose aujourd’hui un réel problème. C’est que ce sont ces mêmes contractants qui viennent installer leurs champs sur le couloir. En effet, explique le Sociologue, il se fait que les deux acteurs, qu’ils soient éleveurs ou agriculteurs, ne respectent pas le passage délimité pour faire transiter les animaux. Les agriculteurs débordent parfois sur le couloir parce que le couloir emprunté par les animaux est riche à cause des défections des animaux. Le directeur du Gered va plus loin et avance que les acteurs ne connaissent pas encore le code pastoral. La loi dispose, soutient-il que la personne qui doit être derrière un troupeau de 50 têtes ait au moins au minimum 18 ans révolu. Malheureusement, le constat est tout autre sur le terrain car ce sont les bouviers recrutés ou de petits enfants de 14 ans qui dans leur logique de faire manger l’animal par tous les moyens ne tiennent pas compte des dégâts causés à autrui. C’est ce qui crée selon lui les conflits parce qu’affirme-t-il, le champ de l’agriculteur est ce que le troupeau est pour l’éleveur. Chacun tire son revenu de son activité. A partir de ce moment, toutes les fois que l’intérêt de l’un ou l’autre est piétiné, il y a conflit. Un autre facteur non moins négligeable à son avis dans les conflits entre agriculteurs et éleveurs, c’est que les deux acteurs sont en compétition. L’agriculteur veut emblaver de très grandes superficies alors que l’éleveur se demande où trouver du fourrage pour son troupeau. Donc il n’y a plus d’espace. Ce qui fait que, insiste Léonce Sacca, le très peu d’espace dont dispose l’agriculteur est en même temps guetté par l’éleveur pour alimenter son troupeau. Mais d’un autre regard, Docteur Adamou Mama Sambo voit une autre cause dans les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Il faut reconnaître que la paupérisation à l’entendre aide à faire que ces acteurs se regardent comme s’ils étaient des ennemis. Mais parfois, on ne doit pas sous-estimer un peu l’étendue des rancœurs qui certainement existaient entre ces acteurs, souligne Dr Adamou Mama Sambo. Si les vraies causes des conflits entre agriculteurs et éleveurs semblent visiblement profondes et dépassent le stade des altercations, les textes de lois, eux existent et encadrent l’élevage et la transhumance dans notre pays.

Cadre juridique en vigueur sur l’élevage et la transhumance au Bénin

Un cadre légal pour régir l’élevage et la transhumance au Bénin, il y en a bel et bien. De fait, la Loi de 1987, loi qu’on appelle communément loi sur la veine pâture existe depuis la révolution. C’est la toute première loi dont d’autres textes de loi, qu’ils soient arrêtés ou décrets, se sont inspirés. Il y a, nous renseigne l’environnementaliste Léonce Sacca, en 1992 par exemple un arrêté interministériel qui a institué les comités de transhumance qui existent depuis le niveau national jusqu’au dernier village. La loi de 1997 avait défini les conditions dans lesquelles on pouvait entreprendre l’élevage des bovins, de bétail et même de petits ruminants et de quelle façon les parcours devraient être envisagés, comment on devait pouvoir faire pour l’alimentation du bétail de sorte à ne pas dévaster les champs d’agriculteurs. Aujourd’hui, clarifie Léonce Sacca, grâce au travail fait par l’Association national de petits ruminants (Anoper) avec l’appui de la coopération suisse et d’autres partenaires, le Bénin dispose d’un code pastoral. C’est désormais sur ce code en vigueur que tout se repose concernant l’élevage et la transhumance au Bénin. Toutefois, malgré les lois, les conflits entre agriculteurs et éleveurs sont légions, d’une année à une autre. C’est justement ce qui a amené le gouvernement de la Rupture a changé de cap et à aller loin sur la question de la transhumance.

Le dispositif gouvernemental sur la transhumance…

En fait, au début de chaque campagne de transhumance, le gouvernement depuis 2016, à travers le ministre de l’intérieur, prend un arrêté pour annoncer la campagne de transhumance sur le territoire national. Mieux, dans l’ultime but de mettre un terme aux conflits entre agriculteurs et éleveurs, l’Exécutif béninois multiplie les décisions. En effet, le conseil des ministres du mercredi 11 décembre 2019 a pris une mesure après celle examinée le 6 novembre 2019, portant nouveau plan de gestion de la transhumance en République du Bénin. Une décision prise justement pour réorganiser la transhumance des animaux à l’intérieur du territoire national qui est pour la circonstance, subdivisé en deux zone. De la côte jusqu’à la latitude Nord de la commune de Dassa-Zoumè et de la latitude sud de la commune de Glazoué jusqu’ aux frontières Nord Bénin sont les deux zones désormais réservées aux seuls troupeaux d’éleveurs nationaux établis au Bénin. La mise en œuvre de cette décision gouvernementale devrait renforcer le vivre-ensemble des différents acteurs notamment agriculteurs et éleveurs. Malheureusement, les conflits mortels entre ces deux acteurs continuent d’avoir cours y compris pour cette saison 2019-2020. Que faire alors pour trouver la parade à ce mal ? C’est la légitime question que beaucoup se posent encore. 

Pour une sortie des affrontements entre éleveurs et agriculteurs…

Nombreuses sont-elles parmi les personnes rapprochées qui pensent que le gouvernement doit s’investir sur le terrain pour comprendre les conflits enregistrés au fil des années et leurs causes. Il faut, recommandent les sachants, une base de données, une situation de référence dans les mairies, les commissariats pour savoir les conflits enregistrés dans une campagne. Cependant, l’Environnementaliste et sociologue Léonce Sacca remarque que la transhumance sur le territoire est une question de sécurité à l’aune des dispositions prises par le gouvernement. Mais l’expert pense que ces mesures ne rentrent pas véritablement dans la gestion de la transhumance. Pour rentrer dans la gestion de la transhumance, propose-t-il, c’est de tout faire pour qu’il qu’il n’y ait plus de conflits et pour le faire, continue-t-il, ça deviendra une gestion diplomatique entre le Bénin et ses pays frontaliers d’où proviennent les transhumants. C’est vrai que cela est souvent fait mais à l’en croire ce qui manque pour que la transhumance soit apaisée, c’est la collaboration transfrontalière. Autre proposition faite par le sociologue, c’est d’aller vers des stratégies d’adaptation afin de parvenir à la sédentarisation de l’élevage.  Par exemple, aux communes de créer des parcs à fourrage pour enrichir les caisses locales de redevance à prélever. Aussi, peut-on fabriquer selon lui des aliments destinés au bétail à vendre à des coûts intéressants. Passer de l’élevage extensif à l’élevage intensif, c’est ça qui peut réduire les conflits, soutient-il. Toujours dans ses propositions, il faut voir en amont que la transhumance constitue non seulement pour notre pays une opportunité économique en sens que nos marchés à bétail seront bien animés avec le lait et le fromage qu’on pourra commercialiser mais encore une opportunité génétique car on peut acheter de très bons géniteurs dans le cheptel étranger. Par ailleurs, égrenant à son tour le chapelet des solutions de ces conflits meurtriers entre agriculteurs et éleveurs, Docteur Adamou Mama Sambo, président de l’Apess et membre de la mission de paix descendue à Guéné, n’est pas pessimiste quant à l’espoir qu’il y a sur le règlement desdits conflits. Puisque ce sont des acteurs qui se connaissent très bien selon lui. L’anticipation et la prévention de ces genres de conflits, affirme-t-il. C’est pourquoi Dr Adamou M. Sambo indique à la fois la voie de la communication, importante à ses yeux et la redynamisation des comités de gestion de la transhumance au niveau local. En outre, il pense sincèrement qu’il faudrait qu’il y ait au niveau national une structure qui soit mise sur pieds pour s’en occuper et que ça ne peut pas être un élément transversal entre plusieurs ministères. « S’il n’y a pas une structure mise en place de façon indépendante par rapport à la question de la transhumance, on va dans ce que j’appelle la réparation », lance-t-il avant d’inviter les autorités à vraiment y prendre conscience. Cela permettra de circonscrire certains foyers de conflits qui naissent et non donner l’impression de faire les sapeurs-pompiers. Ce qui ne va pas permettre de sortir de ce cercle vicieux, a-t-il laissé entendre.

ENTRETIEN

Joseph Tokoré  sur la production d’Anacarde au Bénin : « Nous conseillons les producteurs à ce qu’ils installent les plantules qui sortent des pépinières »

Au Bénin, selon le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, la noix d’anacarde représente la deuxième culture d’exportation après le coton. En 2018, le Bénin a atteint une production d’environ 150 mille tonnes et l’objectif pour la campagne 2019 est de réaliser une production de 171 mille tonnes. Mais selon les spécialistes du domaine, le Bénin pourrait réaliser une production meilleure si tous les producteurs mettaient en pratique les techniques de plantation de la noix d’anacarde. Justement quelles sont les techniques qui permettent de booster le rendement des anacardiers ? On en parle dans cet entretien avec le chargé de production et de commercialisation de la Fédération Nationale des Producteurs d’Anacarde du Bénin (Fénapab).

Joseph Tokoré dites-nous d’entrée quelles sont les techniques de plantations de la noix d’anacarde pour obtenir un bon rendement ?

Il faut signaler qu’aujourd’hui, le souci premier c’est comment faire pour avoir les rendements meilleurs. Il faut permettre aux producteurs non seulement de couvrir leurs charges de production mais aussi de tirer profit de la filière. Et pour installer une plantation d’anacardier aujourd’hui, c’est recommander certaines normes. Au nombres de celles-ci, il faut déjà signaler l’acquisition d’une bonne semence. Aujourd’hui, il n’y a pas encore de variétés. En termes réels, on ne peut pas encore parler de variétés d’anacarde au Bénin. Mais il y a déjà des semences que nous améliorons à travers les espèces sauvages que nous avons, et nous passons par le greffage avant de pouvoir obtenir ces plants. Une fois que nous avons ces plants, il y a d’autres techniques qu’il faut respecter telles que la densité. L’anacardier, si le nombre de plants à l’hectare est trop, ça ne permet pas aux plants de bien se divertir et de bien produire. C’est pourquoi nous recommandons certaines densités, un certain nombre de plants à l’hectare et après ça il y a les entretiens qui doivent suivre.

On observe que les producteurs utilisent deux techniques de plantation : pendant que certains mettent les noix directement en terre, d’autres par contre passent par les pépinières. Parmi ces deux techniques, laquelle est recommandée et permet d’avoir un bon rendement ?               

 De jour en jour, la technique de mise en terre des noix est en train d’être réduite. On a constaté qu’étant donné que l’anacardier au Bénin n’a pas encore de variétés, si vous mettez directement la noix en terre, vous n’êtes pas sûrs d’avoir un bon rendement. Même si vous avez pris la noix au niveau d’un arbre qui produit bien, qui a de grosses noix, on n’est pas sûr d’avoir cette même noix à la fin de la production. Donc cela voudra dire qu’il y a des dégénérations génétiques qui s’observent au cours de la production de cette noix. Ce qui fait que lorsque vous l’installez, vous n’avez forcément plus les caractéristiques génétiques de l’arbre mère. En clair, il faut comprendre par-là que vous pouvez prendre la noix au niveau d’un arbre qui produit de grosses noix pour obtenir de petites noix à la fin, ou bien un arbre qui produit beaucoup et obtenir peu de noix de l’autre côté. Cette approche qui était utilisée pendant longtemps parce qu’il n’y avait pas de travaux dans ce sens pour pouvoir améliorer, aujourd’hui est en train d’être réglée. Il faut signaler qu’avant les plantations étaient installées pour sécuriser les terres, ce qui fait que les gens utilisent tout un tas de pratiques parce qu’ils n’attendaient pas un rendement. Mais aujourd’hui, l’anacarde est devenu un bien de rente, un bien qui est donc économique et tout le monde cherche à améliorer son rendement. Et pour améliorer le rendement, nous conseillons les producteurs à ce qu’ils installant les plantations à travers les plantules qui sortent des pépinières. C’est pourquoi vous observez la deuxième façon de faire qui est l’utilisation des plantules provenant des pépinières. Et au niveau de ces pépinières, nous procédons au greffage. Nous prélevons le greffer d’un arbre qui produit très bien qu’on appelle arbre élite que nous apportons au niveau du porte-greffe et nous collons. Une fois qu’on a fini le collage c’est qu’on est sûr d’obtenir l’arbre qui produit très bien et donc un grand rendement, une bonne production. L’autre chose est que la technique de mise en terre directe des noix ne permet pas d’avoir une plantation homogène. Alors que si c’est une plantation à base de plants greffés, vous êtes sûrs d’obtenir une plantation homogène c’est-à-dire des arbres qui produisent de la même façon. Vous pouvez même estimer votre rendement à l’hectare. 

Concrètement comment se fait le greffage dans le cas de l’anacardier ?

Le greffage dans le cas de l’anacardier est un processus qui n’est pas si facile comme pour tout autre plant. Pour l’anacardier, il y a un peu de spécificité à observer parce que les greffons que vous collez peuvent mourir facilement. C’est pourquoi d’aucuns vous diront que le prix d’un plant greffé est un peu élevé, du fait des travaux difficiles qui y sont derrière. Vous allez installer la pépinière déjà en janvier, février voire mars et vous entretenez. Donc un mois, un mois et demi, vous passez au greffage. Et pour faire le greffage, ce n’est pas n’importe quel greffé il faut prélever. Vous allez soit au niveau des parcs à bois, soit au niveau des arbres élites. Ce que nous appelons les parcs à bois, ce sont ces plantations qui sont faites à base des plants greffés et dont les greffés sont issus des bois élites. C’est lorsqu’on met tous ces plants avec certaines technicités que nous parlons de parcs à bois. Si vous avez déjà élevé les porte-greffes, ce qui suit c’est d’aller préparer les greffés. On prépare les greffés une à deux semaines avant d’aller les récolter. Une fois les greffés récoltés, vous revenez à la pépinière et vous faites le greffage. Vous avez deux possibilités en tout cas ici au Bénin : soit ce que nous appelons le greffage en fente c’est-à-dire vous coupez tout ce qui est de la partie haute de la plante, vous faites une fente et vous insérez le greffon qui est taillé en buseau au niveau de la fente ; ou bien vous faites le greffage en placage. Là vous prenez le greffon, vous le taillez de sorte que vous puissiez le coller contre le pied de l’autre porte-greffe, et vous attachez correctement. Après l’attache c’est surtout le chapeau qui est indispensable. Il permet de protéger le greffon contre les intempéries ; vous attachez correctement le chapeau, vous chassez l’air du chapeau. Donc c’est une opération qui est vraiment un peu délicate. N’importe qui ne peut pas faire un greffage. Si vous n’êtes pas une personne avertie, vous ne pouvez pas faire et que ça réussisse. Il faut faire avec soin. Et le taux de réussite d’un pépiniériste dépend de son habilité.  Il peut avoir cherché un bon greffer, il peut avoir un bon porte-greffe, avoir tout ce qui est outillage nécessaire mais s’il n’est pas habile pour tailler le greffon, coller correctement et bien ligaturer, il peut avoir un taux de réussite zéro.

Certains observateurs disent que les anacardiers sont aujourd’hui vieillissants au Bénin. Vous qui êtes dans le domaine, quel état des lieux faites-vous ?

Oui ! il faut signaler qu’aujourd’hui notamment dans les régions du zou et des collines, la majorité des plantations sont vieillissantes. Ce sont des plantations qui ont plus de 30 ans et au-delà de certains âges (30-35 ans), la productivité de l’arbre baisse. Il faut donc rajeunir la plantation. Et pour le faire, soit vous couper tout et vous installez une nouvelle plantation, soit vous sélectionnez au fur et à mesure, vous commencez d’une partie et vous attendez que ça prenne à ce niveau avant de poursuivre progressivement.  Vous avez aussi la possibilité de procéder à ce que nous appelons, le sur greffage c’est-à-dire vous coupez l’arbre qui ne produit pas bien, vous le laisser régénérer et après, vous le sur greffer avec les greffes d’un arbre élite et là vous êtes sûrs d’obtenir après un arbre qui produit bien. De la même façon, dans une nouvelle plantation, si vous constatez qu’il y a un arbre qui ne produit pas bien, vous le recepez à hauteur d’un mètre, le laisser régénérer et un pépiniériste viendra vous faire le sur greffage pour améliorer le rendement de cet arbre.

Alors le label Bénin continue-t-il de forcer l’admiration comme par le passé ?

Il faut reconnaître qu’on a cédé de places. On était parmi les trois premiers mais aujourd’hui nous nous situons autour de la 5e position en termes de qualité. C’est vrai que jusqu’ici la qualité de notre noix est reconnue surtout les noix de certaines localités. Les localités qui n’avaient pas cette qualité ont pris le pas en appliquant les bonnes pratiques culturales qui permettent d’améliorer aussi bien la qualité que la quantité. Ce qui fait que jusqu’à l’heure où nous parlons, nous avons encore des qualités de 47 et 48 au Bénin, ce qui n’est pas mauvais. Mais depuis l’année dernière avec les invasions de certains ravageurs qui ont piqué la majorité des noix, nous avons perdu le privilège d’être parmi les trois premiers. Je profite pour conseiller encore les braves producteurs à respecter surtout les bonnes pratiques poste-récoltes. Après la récolte, les gens ne conservent pas bien. On peut avoir récolté une bonne noix mais la conservation va détériorer la qualité de cette noix et du coup les gens ne vont pas apprécier nos noix. Après la récolte, il y a des opérations qui sont capitales telles que le séchage. Il faut mettre les noix dans des sacs recommandés. Et si on n’a pas les sacs recommandés, on peut les mettre dans les sacs dont on dispose. Mais cependant, il ne faut pas fermer le sac, ceci afin de permettre à ce que l’air circule. La chaleur dégrade. Vous savez la noix dispose d’assez d’huile. Tout ce qui a d’huile lorsque ça chauffe, l’huile sort et si l’huile sort, ne pouvant pas sortir vers l’extérieur, s’infiltre à l’intérieur vers l’amende alors que ce sont ces amendes que les gens consomment lorsqu’ils achètent les noix. Du coup on suppose que cette noix est gâtée à 100%.

Joseph Tokore, nous sommes à la fin de cet entretien, un message aux producteurs.

Je dirai aux producteurs que pour avoir une bonne productivité ou un bon rendement, d’utiliser les plants greffés parce qu’aujourd’hui il faut plus que nous recherchions les meilleurs prix de mille francs, de huit cent francs, non ! Nous devons compenser ce gap de prix par l’augmentation de nos rendements. Au lieu d’avoir quatre kilogrammes à l’arbre pour attendre mille francs ou huit cent franc CFA, on peut avoir huit voir dix kilogrammes à l’arbre et même si le prix est à trois cent franc on est bien. Donc il faut que les producteurs utilisent ces plants qui ont un haut potentiel de production et que les producteurs respectent les techniques de production. Après ça je conseille aux producteurs de faire au moins deux entretiens courant l’année c’est-à-dire le sarclage ou le désherbage pour permettre à la plante de mieux bénéficier de la pluie, parce que si vous avez les herbes qui se développent bien avant de les couper à la fin de la saison, vous avez d’opportunité et de concurrence entre les herbes et les arbres. Du coup, l’arbre ne pourra pas profiter au maximum d’éléments nutritionnels et d’eau. Les herbes auraient déjà partagé une bonne quantité avec l’arbre. Je conseille également aux producteurs de respecter les opérations poste-récolte. Il s’agit de bien récolter avec la ficelle, bien enlever les noix de la pomme pour éviter de laisser des reliquats de pommes. C’est tout ça-là qui détériore la qualité de la noix après la récolte. Il faut même si c’est un léger séchage. Il faut bien conserver dans de bons entrepôts ou magasins. Eviter de coller des sacs de noix ou de les déposer dans les chambres qui ne sont pas aussi grandes et qui chauffent. Je demande enfin aux producteurs d’appartenir aux coopératives pour bénéficier des sacs de jute. Ceci leur permettra d’avoir une facilité d’obtenir non seulement de bons emballages, mais également de bénéficier des formations.

L’HOMME DU MOIS

Michel Dossou : Un jeune entrepreneur dans l’agro-pastoral.

Pour ce numéro de votre journal, nous vous amenons à la découverte de Michel Dossou. Un jeune entrepreneur de 27 ans qui a des projets dans le domaine agro-pastoral. Il combine aussi bien l’agriculture et l’élevage sur une ferme de quelques hectares située à Tchatchou, une localité de la commune de Tchaourou. Un projet qu’il gère avec un ami.

    Par Jacques D. BOSSE             D’abord en ce qui concerne l’élevage, les deux entrepreneurs ont opté pour l’aviculture c’est-à-dire l’élevage des volailles, et la cuniculture qui est l’élevage des lapins. « Pour l’élevage des volailles, nous faisons particulièrement l’élevage des poulets Goliath. Ces poulets qui aujourd’hui peuvent nous donner un poids que nous voulons au moment voulu » nous a confié Michel Dossou. Pour booster la production, le jeune entrepreneur sait également innover en faisant l’élevage sur pilotis. « Pilotis, c’est une cage que nous avons fabriquée pour contenir les animaux, une cage avec une petite canalisation à tuyaux pour contenir l’eau que les animaux boivent et la nourriture de l’autre côté que les animaux vont manger » va-t-il expliqué avant d’ajouter : « Avec pilotis, le rendement est tellement bon » au niveau de la production végétale, Michel et son ami s’adonnent surtout à des cultures de contre saison et ceci pour une bonne raison : « Les périodes de contre saison, nous voyons que pour acheter les légumes, cela pose de problème sur le marché et donc on essaye de faire la culture de ces légumes que nous mettons sur le marché ». Mais en dehors des cultures de contre saison, le duo emblave également quelques hectares de terres en période de pluie pour la culture des produits céréaliers et légumineux. Si Michel reconnait qu’ils s’en sortent plus ou moins bien dans leur projet, l’ambition d’agrandir cette ferme et d’en faire une grande entreprise agricole se heurte à certaines difficultés. Des difficultés d’ordre domanial et financier : « Pour pouvoir réaliser un projet surtout dans le domaine agricole, il faut forcement la terre. Et pour l’instant, nous n’avons pas la terre pour pouvoir emblaver de grandes superficies et multiplier la production comme cela se doit. Nous avons constaté qu’aujourd’hui la demande est très forte et que nous voulons multiplier notre production mais on n’a pas suffisamment de terre. Le problème de financement, ça, on en parle plus parce que le financement pose problème. Pour pouvoir réaliser un tel projet et jouir réellement, il faut un bon financement, un financement élevé pour s’occuper du projet parce que c’est tout un système. Indique notre entrepreneur. Pour l’heure, les différentes tentatives afin de parvenir à obtenir de crédit auprès des structures de microfinance sont restées sans suites. « Nous avons tapé à une porte d’institution de microfinance, nous avons fourni les dossiers et on espère toujours. Ça fait déjà sept à huit mois que nous avons fourni les dossiers mais jusqu’aujourd’hui, ils ne nous ont pas répondu mais ils ont accepté les dossiers et nous ont fait savoir qu’ils les étudient ». Loin d’être découragé par ces différentes difficultés qui se dressent sur son chemin, Michel Dossou reste convaincu que l’entreprenariat agricole est une porte de sortie du chômage pour la jeunesse. C’est pourquoi il souhaite que l’Etat et les autorités locales accompagnent les initiatives de jeunes dans le domaine agricole

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