Le NPK, tyran malgré tout…
La récente décision de la direction générale de la Société de développement du coton (Sodeco), de revoir à la hausse le prix de l’engrais Npk fait couler encre et salive dans l’opinion en général mais en particulier au sein des agriculteurs. Ces derniers y voient une nième action pour les tirer toujours vers le bas. Ils s’en plaignent, impuissants…
L’augmentation du prix de l’engrais Npk coton ou maïs par la Société de développement du coton (Sodeco) suscite l’indignation des agriculteurs. L’engrais Npk Fixé à un nouveau prix de 22500 au lieu de 14000 à travers un communiqué rendu public le 16 février 2024 et signé par Serges Aderomon, Directeur Général de la Sodeco pousse les acteurs de ce secteur à s’adresser au gouvernement pour une solution alternative.
Présente sous une formule classique de fertilisant correspondant à l’abréviation des éléments chimiques qui le compose, à savoir (N) pour l’azote, (P) pour le phosphore et (K) pour le potassium, l’engrais Npk contient des besoins nutritifs précis des plantes vertes, nécessaires à leur croissance. L’annonce de l’augmentation de son prix de cession , soulève des préoccupations quant à l’impact financier sur les agriculteurs, qui dépendent fortement de cet intrant pour optimiser leurs rendements grâce à son soutien fertilisant aux sols.
Ils sont ainsi pris dans l’engrenage du fertilisant, qui s’impose d’office comme la solution à la productivité.
Le prix du Npk ces dernières années au Bénin
Au Bénin, le prix de l’engrais Npk n’a cessé de connaître de hausse lors de ces deux dernières campagnes. Contrairement de 2020- 2023 ou le prix était relativement stable (240 FCFA/kg et 12.000 FCFA le sac de 50 kg) on note une augmentation drastique pour la campagne agricole 2023-2024. La situation de crises entre la Russie et l’Ukraine, deux grands pays producteurs de cet intrant agricole très prisé est pointé du doigt comme raison principale. Toutefois, le Npk sera vendu aux agriculteurs béninois à un prix subventionné de 280FCFA/Kg soit 14.000F.CFA, le sac de 50 Kg.
Soulignons que sans la subvention de l’Etat, le prix sur le marché serait normalement de 22.500 FCFA le sac de 50 kg. Pour le gouvernement béninois, la subvention était nécessaire pour soulager les producteurs et éviter les pertes de revenus mais surtout empêcher l’effondrement des rendements agricoles. Pour le compte de la campagne agricole 2024-2025, la Sodeco vient de fixer le prix de l’engrais Npk à 22.500 le sac de 50 kg, soit une augmentation sur le prix initial de 8 500Fcfa. Une hausse que déplorent évidemment les agriculteurs. Ils se demandant si le gouvernement béninois a suspendu la subvention sur l’engrais ou si c’est malgré la subvention que ce prix aura été ainsi fixé ! Ces questionnements resteront sans réponses car jusque là, personne n’est monté au créneau pour expliquer voire justifier ladite hausse.
La campagne agricole 2023-2024 sans Npk
C’est important de rappeler que pour le compte de la campagne agricole 2023-2024, les paysans béninois n’ont pas eu droit au Npk. C’est l’engrais Ssp qui avait été utilisé par les producteurs de maïs et de coton pour la première fois. La raison évoquée en son temps était l’indisponibilité du Npk sur le marché international du fait de la guerre Russie-Ukraine, qui aurait entraînée sa rareté et la hausse vertigineuse du prix sur le marché international. Le ministère de l’agriculture béninoise a dès lors opté pour l’utilisation de l’engrais Ssp. Un superphosphate unique, premier engrais minéral commercial qui vient en remplacement de l’engrais Npk. Sur le marché c’était l’engrais le plus adapté aux sols, au regard des circonstances, et son coût demeure le plus abordable comparativement aux autres options. Malheureusement son utilisation n’a pas donné les résultats escomptés aux agriculteurs béninois à la hauteur du Npk. C’est ce que nous confirme Kotoko Modeste, producteur de maïs à Tiangoura un village de la commune de Parakou «l’année passée la récolte n’est pas rentable avec l’utilisation de l’engrais Ssp, c’était catastrophique à mon niveau. Je me suis endetté pour la saison » dit-t-il.
Les cris de cœur des paysans face à la hausse du prix du Npk
Pour Tamou Dafia Mohamadou agriculteur vivant à Parakou, la Sodeco vient de verser de l’eau dans l’huile chaude « C’est une décision que nous avons accueillie avec beaucoup de surprises et d’amertume. Nous sommes étonnés de voir le prix grimpé. C’est exagéré» se désole-t-il.
«Nos terres s’appauvrissent et nous avons besoin des fertilisants pour renforcer leur capacité de productivité. Si ces derniers nous reviennent trop cher, nous ne pourrions pas produire rentablement », explique Tamou Dafia Mohamadou. A en croire l’agriculteur, avec cette cherté de l’engrais Npk, et la déception issue de l’utilisation de l’engrais Ssp la récolte passée, la production des denrées de première nécessité concernées risque de ne pas atteindre les quantités voulues sur le marché. Il souligne également qu’avec la condition de vie précaire et sans le soutien du gouvernement, les agriculteurs risquent de ne pas avoir les moyens financiers nécessaires pour s’adonner surtout à la production du maïs et d’autres vivriers étant donné que les intrants coton eux sont reçu au niveau des groupements. Ces derniers dans ces circonstances peuvent être détournés au profit d’autres spéculations. Tamou Dafia Mohamadou invite dès lors le gouvernement à subventionner l’engrais Npk. Une subvention à la hauteur de l’entente des agriculteurs afin de prêter main forte à ces derniers dans l’ultime défi de lutter contre la faim et pour le développement agricole au Bénin.
Selon Kotoko Modeste cultivateur de maïs et éleveur aussi, cette décision de la Sodeco relative à la commercialisation du l’engrais Npk ne vient que transformer le mal déjà existant en pire. «Je vais dire qu’on veut nous enterrer vivant. veut ou pas, on veut nous enterrer » a-t-il laissé entendre. Pour un agriculteur qui prend jusqu’à 4 tonnes de Npk par an pour la production du maïs, celui-ci fait désormais face à un défi financier énorme vu la hausse du prix. « Je ne sais pas comment je vais faire pour être en possession des 4 tonnes de Npk. Si on ne me permet pas de faire la superficie que je veux, je ferai juste ce que je vais manger, ma famille et moi » déclare t-il.
L’augmentation du prix des intrants agricoles ne devrait pas se faire sans une concertation préalable avec les agriculteurs. C’est anormal en ce sens qu’on refuse à ces paysans de vendre leur production là où ils veulent et à qui ils veulent, suggère Mohamed Oscar Bawa, président du groupement des agriculteurs autonomes du Bénin. Pour lui, le gouvernement doit agir afin que l’engrais Npk revienne au prix initial de 14000f. Au cas échéant, les producteurs seront obligés de se tourner vers d’autres spéculations comme le manioc, l’arachide, le riz…
Moudachirou ALIOU / Contact : 95795555