
Face à la déforestation, à l’usage massif de pesticides et aux aléas climatiques, l’apiculture apparaît aujourd’hui comme une activité à la fois économique et écologique. Gratien Koumassou, apiculteur à Badékparou, partage les réalités de son métier, les défis rencontrés et l’importance vitale des abeilles pour la biodiversité.
Journaliste : Qu’est-ce que l’apiculture ?
Gratien Koumassou : L’apiculture est l’élevage des abeilles en vue de produire du miel, de la cire, de la propolis ou de la gelée royale. C’est également un engagement envers la nature, où l’apiculteur devient observateur attentif du vivant et gardien de la biodiversité.
Quelles espèces d’abeilles élevez-vous et quels sont leurs avantages ou inconvénients dans votre région ?
L’espèce la plus couramment élevée dans la région est l’abeille africaine (Apis mellifera adansonii), bien adaptée au climat et aux ressources florales locales. Elle se distingue par sa résistance aux maladies, sa forte production de miel et ses excellentes capacités de pollinisation. En revanche, son caractère défensif peut la rendre agressive en cas de perturbation de la ruche, ce qui exige prudence et maîtrise technique.
Comment se déroule concrètement votre travail d’apiculteur ?
Le travail varie selon les saisons et les besoins des colonies. En début de saison sèche, les ruches, souvent de type kényane ou Langstroth sont préparées, l’état de santé des reines est vérifié et les réserves sont contrôlées. Les cadres et les combinaisons sont nettoyés, enfumoirs et lève-cadres sont vérifiés. Pendant la floraison, les ruches sont inspectées régulièrement, le comportement des abeilles est observé et les parasites, notamment certaines fourmis, sont combattus. La récolte du miel intervient en fin de saison sèche : les rayons sont retirés, le miel est extrait à l’aide d’un extracteur manuel, filtré et mis en pot. Ce miel, à la robe ambrée et au goût floral marqué, reflète la diversité des plantes mellifères de la région. En saison pluvieuse, les interventions sont réduites, les ruches sont protégées contre l’humidité et des mesures sont prises face aux intempéries.
Quels sont les principaux défis ou difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre activité ?
La déforestation réduit les zones de butinage, tandis que l’usage excessif de pesticides menace directement la santé des colonies. Le manque de formation et de matériel adapté, surtout en milieu rural, complique l’exercice de l’activité. Les aléas climatiques perturbent la floraison et la reproduction des abeilles. Cependant, la persévérance, la formation continue et les partenariats locaux permettent de surmonter ces obstacles.
Quel rôle jouent les abeilles et l’apiculture dans la protection de l’environnement et la biodiversité ?
Les abeilles jouent un rôle central dans la pollinisation, essentielle à la reproduction des plantes, à la diversité des cultures et à la régénération des écosystèmes. L’apiculture contribue à préserver les zones florales, à sensibiliser les populations à la protection de la biodiversité et à générer des revenus durables tout en respectant l’environnement.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres personnes qui désirent se lancer dans l’apiculture ?
A l’endroit de ceux qui veulent se lancer dans l’apiculture, je leur dirai de se lancer par passion et suivre une formation solide, car cette activité requiert des connaissances techniques et biologiques. Faire preuve de patience et d’humilité, car les abeilles enseignent la rigueur et le respect. Travailler en réseau, échanger avec d’autres apiculteurs, intégrer des coopératives. Enfin, protéger l’environnement et éviter les pesticides, car une apiculture durable repose sur le respect de la nature.
Nadjahatou BAGUIRI