L’igname est un tubercule cultuellement et culturellement célébré au Bénin. Il est au cœur de nombreuses retrouvailles de populations. Des milliers de cultivateurs continuent tant bien que mal sa production dans les champs du pays. Mais assurément, nous sommes loin d’exploiter de façon optimale cette richesse agricole. Cette méprise ne vient pas de la base. Les populations ont suffisamment montré leur attachement à ce tubercule. On en a pour preuve les réjouissances annuelles qui y sont consacrées telles que le 15 août à Savalou avec l’igname pilée. Avant cette commune, citons successivement Glazoué avec son Fila (Festival de l’Igname Labȯkȯ) ; le village de Boukousséra, le 10 août 2019 dans la commune de Tchaourou qui a pilé sa nouvelle igname, suivie d’une dégustation publique en présence des autorités de la commune. Une cérémonie qui donnait le top de la consommation des nouvelles ignames au sein de cette communauté Peulh sédentarisée. A cette liste non moins exhaustive, on peut ajouter la bourgade de Korobororou à Parakou et dans l’Atacora, la commune de Toucountouna. Il est donc clair que c’est à l’Etat qu’incombe toute la responsabilité de cette sous exploitation. Pendant longtemps, les régimes successifs ont manqué d’investir suffisamment dans cette filière. Elle semble abandonnée dans le ventre des paysans au détriment des cultures de rentes; le coton en tête. C’est avant tout la filière agricole phare du PAG, près de 700.000 tonnes la campagne écoulée. Cependant, un effort salutaire s’accomplit au niveau de certaines cultures vivrières : 2.100.000 tonnes pour le maïs, 419.000 tonnes pour le riz et 816.000 tonnes pour les cultures maraîchères… L’igname quant à lui reste encore parent pauvre de l’accompagnement gouvernemental. Nous convenons avec le ministre Gaston Doussouhoui que « l’objectif « faim zéro » au cœur des 17 objectifs de développement durable de l’agenda 2030, ne peut être atteint sans une gestion efficiente et durable des ravageurs des cultures en général, et des espèces transfrontalières en particulier ». Mais tout en menant cette autre lutte contre les envahisseurs, il faudrait en amont booster toutes les productions et singulièrement de ce tubercule qui pourrait se transformer en or si on l’organise en filière aussi. Non seulement, il participera grandement à l’éradication de la pauvreté mais surtout nourrira, pour l’autosuffisance alimentaire tant prônée. Pour y parvenir, les gouvernants doivent renforcer leur accompagnement aux producteurs, à travers l’amélioration du dispositif d’appui conseil, la facilitation du mécanisme d’accès aux bonnes semences ainsi qu’aux intrants spécifiques, l’accroissement de la mécanisation agricole adaptée et l’incitation des PTF à s’investir dans ce sous-secteur de la production jusqu’à l’écoulement. Ce sont là, les conditions minimales requises pour une bonne exploitation de cette ressource de développement.
Par Richard ADODJEVO