Connu du grand public, le karité est un arbre originaire de la savane de l’Afrique de l’Ouest et Centrale aux multiples usages et bienfaits aussi bien pour l’homme que l’environnement.
Par Vivien ZANNOU
Appelé scientifiquement Vitellaria paradoxa ou Butyrospermum parkii, l’arbre du karité a pour nom vernaculaire Sombou (Bariba), Limoutin (Fon, Goun) et Kolo (Peulh) pour signifier « Arbre à beure » et peut atteindre une hauteur de 15 mètres avec un tronc de 1,5 à 1,8 de diamètre. Son écorce est de couleur grise ou noire, épaisse et fissurée horizontalement et verticalement. Ses feuilles sont alternes, oblongues, à bords ondulés et luisantes. Pouvant atteindre une durée de vie de trois siècles, il atteint 18 ans de vie avant de connaitre ses premières floraisons suivies d’une discontinuité de production de fruits de couleur brune pendant un siècle. Cet arbre est utilisé dans la médecine traditionnelle moderne pour le traitement d’énorme maux dont souffrent les êtres humains et a beaucoup de dérivés au service du monde entier. Traditionnellement, le karité est bien avant tout sacré et est interdit d’être coupé. Selon l’histoire, l’on n’a pas droit de le cultiver et quand il poussait quelque part, il était dit que cette terre était bénite et protégée par des divinités’’. De la racine jusqu’aux feuilles, il est utilisé pour guérir. Maitre, Amanvi Vinansoundo, Guérisseur traditionnel donne quelques vertus tradithérapeutiques issues de cette plante. Ses racines sont préparées en tisane à boire pour le traitement efficace du cancer du foie, des douleurs de l’estomac. En cas de morsure de serpent ou de piqure de scorpion, piler les écorces de karité et appliquer sur la partie concernée, c’est antivenimeux. Aussi, l’usage curieux consiste-t-il à la décoction de ses écorces dans les boissons aux bébés de deux ans qui, au moment du sevrage, refusent encore toute nourriture autre que le lait maternel. En cas de manque de sperme chez les hommes, son écorce avec celle du néré sont préparées en tisane, à boire matin et soir et se révèle efficace contre ce mal viril. Les feuilles du karité servent à préparer une tisane à boire ou à se laver pour lutter contre le ballonnement du ventre, de conjonctivite ou de trachome. Frottées sur la tête, elles seraient antimigraineuses. Que dire des fruits du karité ? Ils sont de couleur verte consommés régulièrement et sont à la fois anti-diarrhéique et antivenimeux. Selon les spiritualistes, réduisez en poudre en pilant les fruits du karité retrouvés dans le trou du rat-géant en ajout avec son écorce sèche pour lutter contre les mauvais esprits dans votre maison ; il suffit juste d’y mettre du feu la nuit. Traditionnellement, il est formellement interdit de cueillir le fruit de l’arbre mais de ramasser celui tombé. Riche en glucide notamment en viamine C, en lipide et protéines bruts, la pulpe du fruit de karité fait partie des composants des médicaments. Selon Gueye Faty, pharmacologue, « le karité est utilisé comme plante pharmaceutique dans les industries agroalimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques surtout son beurre qui est un corps gras (acides palmitique de 6%, stéarique de 28-45%, de 3-9%) retiré des graines de l’arbre de karité et qui est composé d’un mélange de lipides et de latex. Le péricarpe des fruits est comestible et renferme avec les graines et les autres parties de la plante un saponoside». Transformé par les femmes africaines, le beurre de karité a de multiples bienfaits sur la santé humaine. Il est directement obtenu de la noix et permet de protéger la peau contre les mauvaises cicatrisations, le vieillissement rapide, les agressions dues aux aléas climatiques (la sécheresse, la fraicheur, les vents forts ou secs, les coups forts du soleil, etc.). Il permet également d’atténuer les vergétures, guérit tant les maladies de peau (crevasses, démangeaisons/irritations, eczéma, psoriasis, érythèmes fessiers, rougeurs, etc.) que les allergies. Il permet non seulement de masser un muscle, une partie douloureuse mais aussi protège des UV du soleil. Ce beurre est un véritable cosmétique des cheveux. Très consommé, il permet de bien se nourrir et permet aux tradithérapeutes de l’utiliser comme baume médicinal et de l’associer à d’autres produits naturels afin de guérir les populations de divers maux grâce à ses propriétés anti oxydantes, antimicrobiennes, hydratantes et anti-inflammatoires. Également il est très prisé durant les rituels sacrés. Les industries cosmétiques l’utilisent pour fabriquer des crèmes, laits, des savons pour le bien-être de la peau. Le beurre de karité sert aussi dans la fabrication des bougies. Ainsi, cet arbre est surnommé « l’Or des femmes ». Selon un Ingénieur du Département aménagement et gestion des ressources naturelles de la Faculté d’agronomie de l’Université de Parakou, le karité a aussi des vertus écologiques indispensables, favorisant notamment les cultures et la biodiversité. Le karité a en effet un système racinaire performant qui lui permet d’être peu exigeant, s’adaptant même aux sols indurés qu’il pénètre assez facilement. Grâce à ce système racinaire tortueux, le karité prévient l’érosion et favorise l’association avec d’autres cultures selon une distance donnée (exemple au Nord du Bénin dans les champs). Le karité favorise le fonctionnement efficace de la jachère en sauvegardant dans sa rhizosphère des espèces utiles qui pourraient souffrir des cultures répétées ou de fortes températures d’ensoleillement, tout en offrant un habitat et des ressources aux disséminateurs et pollinisateurs. En plus de ces usages thérapeutiques et écologiques, il est au service de la population. Son bois tombé est qualifié à raison de sa qualité et sa longévité et est toujours utilisé pour fabriquer des ustensiles de cuisine comme les grosses calebasses nommées Dágbaká en fon, comme les louches en bois dit Agwlĭ en fon, comme les mortiers, les pilons, pour construire les piliers des maisons et pour produire du charbon de bois. L’envahissement du marché international sur les sols africains avec ses ustensiles en plastique à bas prix pousse peu à peu les populations à délaisser les ustensiles traditionnels. Toutefois, menacé par les feux de brousse, le déboisement et la surexploitation, l’arbre du karité demeure une plante utile au bien-être de la population surtout celle africaine.