RIZ DE MONTAGNE A NATITINGOU : Entre tradition et adaptation, un savoir-faire qui résiste au relief

À Natitingou, la riziculture de montagne prend de l’ampleur grâce à des producteurs engagés qui conjuguent tradition et innovation. Germain Tchati Gnankatcha, producteur expérimenté, nous parle de son expérience, des variétés cultivées et des techniques adaptées aux conditions montagneuses de l’Atacora.
Journaliste : On entend souvent parler du riz de montagne. Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est exactement ?
Germain Tchati Gnankatcha, : Le riz de montagne désigne une variété de riz cultivée dans les zones de relief, souvent à des altitudes élevées. Il se distingue par son arôme, sa texture et sa saveur uniques. Ce riz est également reconnu pour sa résistance aux maladies et sa capacité à supporter des conditions climatiques difficiles. Dans plusieurs régions d’Afrique, notamment à Madagascar, ou encore en Asie dans l’Himalaya, cette culture reste très liée aux pratiques agricoles traditionnelles et biologiques.
Quelles variétés de riz retrouve-t-on le plus souvent dans ces zones ?
On y rencontre des variétés locales comme le Gambiaka, le NERICA ou encore l’IR841, qui servent souvent de témoins dans les essais agricoles. Ces variétés sont adaptées aux conditions pluviales et aux sols pauvres des zones montagneuses. Par exemple, le riz Gambiaka est une variété traditionnelle originaire du Mali, dans la région de Ségou, notamment à l’Office du Niger.
Que peut-on dire précisément du riz Gambiaka, qui semble très apprécié des producteurs ouest-africains ?
Le Gambiaka est un riz asiatique traditionnel (Oryza sativa), connu pour ses grains longs et fins, sa couleur blanche légèrement crème et son goût très savoureux. Une fois cuit, il est moelleux mais non collant, avec un parfum naturel discret. Son cycle de culture est plus long que celui des variétés améliorées, et ses rendements sont moyens, mais il reste très prisé pour sa qualité gustative et sa bonne adaptation aux plaines irriguées et zones de bas-fonds.
Comment les producteurs parviennent-ils à cultiver le riz dans les zones de montagnes ou de pentes comme dans l’Atacora ?
La riziculture en montagne exige une grande ingéniosité. Les producteurs aménagent leurs terrains en terrasses, en courbes de niveau pour ralentir l’écoulement de l’eau et éviter l’érosion. Ils construisent aussi des canaux de dérivation et des diguettes pour maintenir une humidité constante alors que dans les bas-fonds, ils créent de petites retenues d’eau ou des micro-barrages pour pratiquer la riziculture inondée ou semi-inondée.
Et qu’en est-il de la gestion de l’eau selon les zones de culture ?
Tout dépend du relief. Sur les pentes douces, on parle de riz pluvial, entièrement dépendant des pluies, avec un travail en courbes de niveau. Dans les bas-fonds ou les mares temporaires, les producteurs profitent des zones naturellement humides et régulent l’eau de façon artisanale. Là où des infrastructures existent, certaines parcelles bénéficient de petits systèmes d’irrigation modernes, souvent soutenus par des ONG ou des projets agricoles.
Quelles sont les principales pratiques pour préserver la fertilité des sols dans ces milieux ?
La préservation du sol est essentielle. Les producteurs utilisent des cordons pierreux pour limiter l’érosion et favoriser l’infiltration de l’eau. Ils pratiquent aussi le paillage, laissant les résidus de récolte au sol pour conserver l’humidité. L’association riz-légumineuses (comme le niébé ou l’arachide) est courante, car elle enrichit le sol en azote et limite la pression des ravageurs. Enfin, l’usage du fumier et du compost reste une pratique clé pour améliorer la fertilité.
Comment choisit-on les variétés adaptées aux zones de montagne ?
Le choix variétal repose sur la rusticité. Les producteurs optent souvent pour des variétés locales ou améliorées comme NERICA, connues pour leur tolérance à la sécheresse et aux sols pauvres. Les variétés à cycle court sont privilégiées, car elles permettent d’éviter les pertes liées à la fin précoce des pluies en altitude.
Pour terminer, quelles sont les pratiques traditionnelles encore observées chez les producteurs ?
Les producteurs s’appuient beaucoup sur leurs savoirs locaux. Ils observent les micro-reliefs pour repérer les zones naturellement humides, établissent leur calendrier agricole selon les premières pluies, et pratiquent un partage équitable de l’eau entre exploitants. Ces connaissances empiriques, combinées à certaines innovations modernes, permettent à la riziculture de montagne de rester résiliente et durable, malgré les contraintes du relief.
À travers ces pratiques adaptées et ce savoir-faire ancestral, la riziculture de montagne à Natitingou prouve qu’elle peut s’imposer comme un modèle d’agriculture résiliente face aux défis climatiques et au relief exigeant de l’Atacora.
Nadjahatou BAGUIRI