La culture d’ananas est l’une des principales cultures d’exportation dans certains pays en Afrique tel que le Bénin, pour la diversification des productions agricoles et l’accroissement des PIB. Malgré la demande croissante des produits dérivés, le marché international de l’ananas reste fortement dominé par les pays de l’Amérique Latine, même si certains pays ouest africains à l’instar du Bénin essayent de se faire une bonne place. Au Bénin, la production nationale en ananas avoisine quatre cent mille (400 000) tonnes et représente le troisième produit agricole en termes de contribution au Produit Intérieur Brut (PIB), après le coton et l’anacarde. C’est une filière dont le gouvernement ambitionne de rehausser l’image sur le marché international.
HISTORIQUE DE LA FILIÈRE
La culture de l’ananas dans la région d’Ouidah est attestée au début du
XVIIIe siècle, mais son développement comme culture intensive de rente est
très récent. En effet, l’échec d’une exploitation privée, lancée en
1972 puis reprise par l’État, a paradoxalement abouti à une diffusion du savoir-faire relatif à l’intensification des techniques culturales auprès des
paysans du département de l’Atlantique ayant travaillé comme salariés sur
la ferme d’État. De plus dans un contexte de pression foncière et démographique très forte, voire d’insécurité généralisée en particulier en matière d’accès à la terre, les paysans en mal d’alternatives après les échecs des filières caféières dans les années soixante et oléagineuses (palmier à huile) dans les années soixante dix et quatre-vingt, émerge une nouvelle catégorie d’acteurs sociaux amenés à jouer un rôle central dans le développement de la filière ananas. Ces néoruraux vont occuper une place importante dans la constitution de la filière ananas, dans les domaines de l’intensification de la production et de l’exportation. Ceci principalement dans les départements du Sud-Bénin dans les communes de Zè, d’Abomey-Calavi, Allada, Tori-Bossito, Toffo, Kpomassè et Ouidah, qui concentrent 98% de la production nationale.
Organisation de la filière ananas
Des particuliers producteurs, transformateurs à des coopératives et fédérations, la filière d’ananas a connu une organisation de ses acteurs au fil des années. Une organisation qui a redynamisé le secteur. De nos jours, la filière ananas jouit d’une bonne structuration. La production est assurée par des plantations modernes mais aussi par des petits producteurs regroupés au sein des groupements d’intérêt économique ou de coopératives. Des mouvements associatifs caractérisés par une multitude d’organisations aux niveaux national, communal, arrondissement ou village. Il s’agit des Union Communales des Producteurs d’Ananas dans les villes productrices dont Allada, Abomey-Calavi, Tori, Toffo et à Zè. Le réseau des Producteurs d’Ananas du Bénin (RePAB) ; union des Producteurs du Sud Bénin (UPS-Bénin) ; union Départementale des Producteurs (UDP) ; coopérative des Producteurs de l’Ananas de Togoudo (COPRATO)…etc représentés au niveau national par la Fédération Nationale des Coopératives de Producteurs d’Ananas du Bénin (FENACOPAB).
Ainsi, les producteurs organisés en association sont assistés dans leurs activités par des institutions dont le MAEP et la Faculté des Sciences
Agronomique (FSA). L’objectif est de faire maîtriser la culture et faire d’elle une véritable filière d’exportation au Bénin tout en facilitant l’accès à des inputs de production de qualité et d’utilisation efficaces. La filière regroupe aussi les transformateurs notamment les industries agroalimentaires qui produisent le jus et la confiture d’ananas ainsi que d’autres produits de transformation. Également des commerçants dont le principal rôle est de rendre disponible le produit aux consommateurs.Tous ces acteurs, de par leurs différentes activités font vivre la filière ananas au Bénin.
Quid du quinquennat 2018-2023
Les données sur la production agricole au Bénin révèlent la culture d’ananas comme la troisième culture principale d’exportation après le coton et l’anacarde avec une chaîne de valeur qui comporte plusieurs nids d’emplois et du
commerce. Les niveaux actuels de production de l’ananas restent appréciables même si le Bénin continue de rêver grand pour être l’un des pays producteurs clés sur le marché international. Selon la Direction de la statistique agricole (Dsa), en 2018 la production totale de l’ananas est évaluée à 374.601 tonnes pour une superficie de 6310 ha, contre 350 345, tonnes en 2019 sur 5. 509 hectares. Pour 2020 la production est estimée à 362 964 tonnes contre 440,178 tonnes en 2021, sur une superficie de 6106,91 ha. Enfin, la production de l’ananas a atteint 477.428 tonnes sur une superficie de 6.957 hectares (ha) en 2023 contre une production de 472.514 tonnes sur 7.864 ha en 2022. A cet effet, de 374. 601 tonnes en 2018 à 477.428 tonnes en 2023, la production moyenne sur la période est estimée à plus de 400.000 tonnes selon des données de la Dsa datant de mars 2024. Soulignons que cette production regroupe toutes les variétés d’ananas « sur les 5.720,27 ha d’ananas plantés et recensés, 86,81% sont consacrés à la variété « Pain de sucre » et 13,19% à la variété « Cayenne lisse ». On note également que 4,06% soit 232,39 ha de ces superficies sont consacrés à la production de l’ananas bio contre 95,94% soit 5487,88ha à l’ananas conventionnel. 84.27% des superficies totales en bio, portent la variété Pain de sucre et 15,73% portent la Cayenne lisse» informe la Direction des statistiques agricoles. Cette production nationale est repartie dans plusieurs départements. Ainsi, «92,28% des producteurs sont dans le département de l’Atlantique, 2,01% dans le Plateau, 1,57% dans l’Ouémé, 1,44% dans les collines, 0,95 dans le Zou et 0,79 dans le Couffo» indique la Dsa.
Entre ambitions et appréciations
Si les ambitions restent à atteindre, la dynamique et l’effort observés dans la production de l’ananas suscitent de l’administration. Pour Dadjo Moreno Directeur des programmes de l’Agence Territorial Départemental de l’Atlantique (ATDA) pôle 7, l’objectif du gouvernement est de produire 6000 tonnes d’ananas dont 3000 tonnes à transformer sur place. A l’en croire, le Bénin était à plus de 4000 tonnes de production d’ananas en octobre 2021. « Et bientôt avec les dispositifs et le concours de tous les acteurs et partenaires le Bénin atteindra la production de plus de 1.000.000 de tonnes d’ananas », a-t-il espéré.
Notons que grâce aux efforts consentis au niveau de la production, l’Agence Nationale de la Propriété Intellectuelle (ANaPI) a présenté le dossier de demande de titre de ce produit à l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI). Cette demande a été favorable avec le renouvellement du Certificat d’Enregistrement de l’Indication Géographique Protégée Ananas « Pain de Sucre » du plateau d’Allada.
Selon le Directeur Général de l’OAPI, Monsieur Denis BOHOUSSOU, cette certification est un signe utilisé pour protéger et valoriser des produits dont la qualité est liée aux conditions climatiques, pédologiques des zones de production et ou au savoir-faire des producteurs. L’ananas « Pain de Sucre » a été reconnu très tôt comme un produit spécifique jouissant d’une réputation historique. Ainsi, l’Indication Géographique Protégée reçue par le Bénin « permettra de réaliser et promouvoir en toute sécurité vos activités de production et de commercialisation de votre produit et d’avoir des revenus substantiels » a-t-il déclaré.
Défis et perspectives
Pour une production prospère dans la droite ligne de l’atteinte des ambitions du gouvernement béninois, la capitalisation des expériences des producteurs à l’échelle industrielle, l’organisation et le suivi-conseil de la filière à l’instar des filières du coton et de l’anacarde pourraient favoriser le renforcement des capacités des acteurs de la filière à tous les niveaux et ainsi booster sa contribution à la croissance économique. Le développement des plans stratégiques de développement quinquennaux peuvent être des atouts à mettre en place pour favoriser l’industrialisation de la filière et créer des emplois à chaque niveau de la chaîne des valeurs de la filière. Des stratégies qui pourront faire de la filière un facteur de réduction du chômage et de la pauvreté pour une croissance inclusive dans l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) au Bénin.
Moudachirou ALIOU