PRODUCTION DE TOMATE FRAÎCHE AU BÉNIN : Les défis face aux changements climatiques

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Dans un contexte marqué par les effets croissants des changements climatiques, la production de la tomate se heurte à des défis ultimes. Les producteurs de tomates un peu partout en général et de la région Parakou-N’Dali en particulier, se trouvent dans l’obligation de faire face aux effets de ces changements climatiques. Une révision des pratiques de production s’impose. Entre la gestion de l’eau, la qualité des sols et les variations climatiques, les maraîchers cherchent des solutions pour maintenir leurs rendements. À travers cet entretien, Bozari Abdel Kader, entrepreneur agricole, partage son expérience et ses stratégies d’adaptation face à ces difficultés.

Journaliste : Quels sont les principaux défis climatiques que vous rencontrez dans la production de tomates au Bénin, notamment dans la zone septentrionale?

Abdel Kader Bozari : Il y en a plusieurs. Premièrement, la qualité de l’eau est cruciale pour la production de tomates. Comme nous utilisons des semences Ogm, les plants de tomates ne supportent pas que les feuilles soient touchées par l’eau. Cela réduit la rentabilité, car cela nous oblige à passer des systèmes d’irrigation par aspersion au goutte-à-goutte, qui est plus coûteux et inaccessible pour beaucoup d’agriculteurs. Deuxièmement, la texture du sol pose un problème. Par exemple, après une culture comme le piment, si l’on fait une rotation avec la tomate, cela échoue souvent à cause des résidus dans le sol. Enfin, la contre-saison froide, marquée par l’harmattan, provoque le flétrissement des feuilles et la perte des fleurs, ce qui réduit considérablement le rendement.

Comment les changements climatiques ont-ils affecté les rendements et la qualité des tomates au cours des dernières années ?

La contre-saison froide est celle qui affecte le plus la production. Elle augmente les coûts, car les plants sont plus vulnérables, et le rendement ne compense souvent pas les investissements. Par contre, en contre-saison chaude, les conditions sont meilleures pour la culture de la tomate, même si les attaques de ravageurs sont fréquentes. Malgré cela, les rendements sont meilleurs et plus stables.

Quelles stratégies d’adaptation avez-vous mises en place pour faire face aux impacts des changements climatiques sur la production de la tomate ?

Nous avons adopté le système d’irrigation par goutte-à-goutte pour mieux contrôler l’eau et éviter que les feuilles des tomates ne soient mouillées. Ensuite, nous avons réservé une zone uniquement dédiée à la production de tomates, afin de minimiser les effets néfastes de la rotation des cultures. Enfin, nous produisons désormais principalement en contre-saison chaude, lorsque les rendements sont plus assurés.

Quels types de soutien ou de ressources les agriculteurs reçoivent-ils pour faire face aux défis climatiques ?

En général, nous travaillons sur fonds propres. Les subventions sont rares, et même lorsqu’elles existent, elles sont souvent distribuées de manière biaisée, ne bénéficiant qu’à un petit groupe de privilégiés. Cela laisse la majorité des agriculteurs sans aide, ce qui rend la production difficile pour ceux qui ne sont pas financièrement solides.

Comment les variations climatiques influencent-elles la disponibilité en eau pour l’irrigation dans vos exploitations agricoles ?

Les changements climatiques rendent l’eau plus chaude, et l’érosion des sols provoque un ensablement des sources d’eau. Cela souille non seulement l’eau utilisée pour l’irrigation, mais aussi celle qui sert à abreuver les animaux. Cela a un impact direct sur la santé des plantes, car elles ne reçoivent plus l’eau de qualité nécessaire.

Est-ce que la transition vers des pratiques agricoles durables est une option envisagée par les producteurs de tomates ? Pourquoi ou pourquoi pas ?

Bien sûr, cette option est envisageable, car le secteur est prometteur. Cependant, les méthodes actuelles doivent être améliorées pour qu’elles soient plus accessibles et efficaces. La production de tomates pourrait grandement bénéficier de pratiques agricoles durables, mais il faut d’abord améliorer l’accès aux technologies et aux infrastructures, comme les serres et les systèmes d’irrigation modernes.

Quelle est l’importance de la sensibilisation des producteurs aux enjeux climatiques, et comment cette sensibilisation est-elle faite au niveau local ?

Il y a des séances de formation organisées par des institutions comme la Gdiz, qui tentent de sensibiliser les producteurs aux enjeux climatiques. Toutefois, ces formations sont souvent trop théoriques et ne reflètent pas toujours les réalités du terrain. En plus, beaucoup de producteurs ne sont même pas informés de l’existence de ces formations, ce qui limite leur impact.

Quels sont, selon vous, les principaux leviers qui pourraient aider à renforcer la résilience des producteurs de tomates face aux changements climatiques au Bénin ?

La première mesure serait d’assurer la disponibilité d’une source d’eau propre, exempte de toute contamination. Ensuite, faciliter l’accès aux systèmes d’irrigation comme le goutte-à-goutte, grâce à des subventions, serait une étape clé. L’accès aux semences de qualité est également crucial, car une graine de tomate coûte entre 10 et 20 FCFA, et il en faut des milliers pour une production significative. Enfin, il faudrait revoir la politique de commercialisation des tomates, car il est souvent difficile de vendre la production à cause de la concurrence étrangère, notamment avec le Burkina Faso. En plus, les commerçantes locales imposent des prix dérisoires, ce qui décourage les producteurs.

Avez-vous envisagé la construction de serres pour pallier les effets des saisons extrêmes ?

C’est une solution envisageable, surtout en cas de saisons brutales ou d’abondance de pluie. Cependant, la construction de serres est extrêmement coûteuse et inaccessible pour la plupart des agriculteurs. Si des subventions ou des aides étaient mises en place pour cela, nous les accueillerions avec grand plaisir.

Propos recueillis par Nadjahatou BAGUIRI

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