Julienne GOUNOU N’GO : une Amazone des terres à Kandi.

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L’activité agricole est une tâche difficile à cause de la force physique qu’elle nécessite. Elle est souvent considérée comme un exercice typiquement réservé aux hommes. Mais de nombreuses femmes s’y adonnent même quand rien ne marche. Julienne Gounou N’go, agricultrice et originaire de Kandi est une de ces braves dames qui se sont tournées vers la terre nourricière pour répondre dignement aux besoins de leurs enfants.

Par Daouda BONI

Mère de quatre enfants (toutes des filles), grand-mère de trois petits fils et veuve depuis 19 ans, Julienne Gounou N’go fait la fierté de l’Alibori. Sa souple corpulence laisse paraitre les vergetures de ses bras rupestres. La quinquagénaire au teint bronzé a trouvé ses passions dans la terre après le décès prématuré de son âme sœur, une disparition tragique qui remonte à l’année 2000. Du haut de ses 1,50m de taille, Dame Julienne ne manque pas de courage. Endurante, elle n’abandonne jamais. Elle s’est approprié la maxime biblique : « Genèse 3 :17-19 …. à la sueur de ton front, tu mangeras ton pain ». En attendant qu’elle retourne à la terre comme son défunt mari, elle peine pour surmonter les épreuves pour sortir sa progéniture de la misère. Julienne tient son amour pour le champ de ses origines de Kassakou, un village de Kandi où les taquineries inter-ethniques Bariba-Nago (Ndr le peuple bariba et les nagos partagent des liens historique et culturel) étaient très développées. Là-bas, les travaux se font en grand groupe et par rotation dans les champs familiaux. A chaque retrouvaille, c’est une ambiance extraordinaire qui pousse au labeur. D’ailleurs ces moments de belle solidarité tendent à disparaitre de nos jours et Maman s’en plaint souvent en insultes à l’endroit de la jeunesse. Dotée d’une mémoire d’éléphant malgré le poids de l’âge, Julienne se souvient toujours dans les moindres détails de cette époque où son mari traversait des difficultés et souffrait au quotidien pour garantir les trois repas à sa famille. Il fallut donc et ceci grâce à ses connaissances dans l’agriculture, épauler ce brave homme dans le défrichage, le labour, le sarclage … Au départ de celui-ci, elle reprit naturellement les travaux champêtres avec ses filles et le soutien de la grande famille N’go. Travailleuse, Julienne ne se sépare plus de sa « daba ». Elle y ajoute aux produits de la terre, la transformation du haricot en beignets et de l’arachide en galettes. Sur une superficie de plus de cinq hectares emblavés à environ un kilomètre du domicile familial. Sans grands moyens de production, la veuve produit plus de maïs, de soja, de riz et bien d’autres cultures vivrières. Au besoin, elle sollicite les jeunes du village à l’ouvrage contre rémunération journalière. Des semailles … aux récoltes, Julienne N’go rassure qu’elle bénéficie comme tant d’autres femmes du village, du soutien de l’Association des Femmes Productrices et de celle des Femmes Transformatrices de Kassakou dont-elle est l’actuelle Présidente. Aidée par son niveau d’étude de la classe du CM2, notre Mémé applique facilement les instructions des encadreurs relativement à la maitrise des aléas climatiques et des semis à bonne date. Ce qui lui garantit à chaque saison une bonne récolte et logiquement une cagnotte suffisante pour prendre non seulement en charge ses enfants mais aussi apprêter la nouvelle saison. Le témoignage de son entourage est unanime : « Julienne n’aime pas de la paresse ni les calomnies ». Pour elle, chacun doit se mettre au travail pour survivre et entretenir de bonnes relations humaines. Aussi condamne-t-elle fermement l’exode rural, la recherche du gain facile et soutient qu’il est meilleur de se tourner vers la terre nourricière que de se livrer à une aventure sans lendemain. « Il y a de l’argent chez soi » clame-t-elle à qui veut l’entendre. Mémé Gounou N’go reconnaît que la femme paysanne est aujourd’hui indépendante comparativement à celle des années 50 qui ne gagnait presque rien, le tout revenant exclusivement à l’époux. Elle croit à l’égalité des sexes et invite les femmes à se prendre au sérieux pour être mieux respectées dans la société. C’est pourquoi, elle salue les actions des Organisations Non Gouvernementales dans ce sens. Même si, beaucoup de choses restent à parfaire pour la cause féminine et l’harmonie de la vie en couple. « L’avenir de nos jeunes filles est menacé et il est important que les campagnes de sensibilisation, de formation et de professionnalisation soient mises en œuvre afin que la femme se sente pleinement épanouie » plaide Julienne aux autorités politico-administratives, à la Société civile et organismes internationaux.

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