BUSINESS DES INTRANTS AGRICOLES AU BÉNIN: Tout pour la paupérisation des agriculteurs

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En agriculture, les différents produits apportés aux terres et aux cultures, qui ne proviennent ni de l’exploitation agricole ni de sa proximité, sont communément appelés « intrants agricoles ». Ces derniers sont des apports naturels ou industriels destinés à améliorer et augmenter le rendement des cultures. Les plus utilisés dans la production végétale sont principalement des produits fertilisants (engrais et amendements) et des produits phytosanitaires de la famille des pesticides, employés pour éradiquer les parasites des cultures. On note aussi l’usage des herbicides pour pallier aux difficultés liées à la main d’œuvre et au sarclage des champs.
C’est ainsi que ces intrants agricoles sont devenus indispensables à la bonne marche des productions agricoles. Cependant, l’accès aux intrants constitue un casse-tête pour les agriculteurs béninois, en raison des conditions d’acquisition en terme de disponibilité et de prix.

Face à l’appauvrissement des sols dû à leur surexploitation, la fertilisation est devenue l’un des facteurs clés du système agricole moderne pour une production rentable. Les agriculteurs connaissent bien leurs champs et savent que l’utilisation de certains engrais peut améliorer non seulement leur rendement, mais aussi la durabilité de leurs cultures. Ces fertilisants jouent un rôle essentiel dans le développement sain des cultures, en fournissant les éléments nutritifs nécessaires, tels que l’azote, le phosphore et le potassium, indispensables à la croissance des végétaux.

De même, les pesticides occupent une place cruciale dans la production agricole. Ils permettent de protéger les cultures des ravageurs, des maladies et des mauvaises herbes, tout en augmentant la productivité par hectare. Sans pesticides, plus de la moitié des récoltes seraient souvent perdues à cause des parasites, des mauvaises herbes et des maladies. Les pesticides aident ainsi à produire des aliments sûrs et de qualité à des prix abordables, car la quantité et la qualité des récoltes dépendent de la protection des cultures. Cependant, la disponibilité et le prix de ces engrais et pesticides ont un impact direct sur la rentabilité des cultures.

La cherté des engrais et pesticides : un fardeau pour les agriculteurs

Ces trois dernières années, en raison de la conjoncture économique internationale, marquée par les effets de la pandémie de COVID-19 et le conflit russo-ukrainien, les prix des engrais sur le marché international ont connu une hausse significative. Même la disponibilité sur le marché international en a pris un coup.
Pour atténuer le choc, l’État béninois et les acteurs privés ont mobilisé des subventions en soutien aux producteurs. Pour les campagnes 2022-2023 et 2023-2024, les subventions étaient respectivement de 55 milliards et environ 30 milliards de FCFA. Grâce à ces soutiens, le prix des engrais pour les producteurs a été fixé à 280 FCFA par kg, soit 14 000 FCFA le sac de 50 kg, contre 12 000 FCFA avant la crise.

Aujourd’hui, les prix des engrais restent élevés et difficilement accessibles à la grande majorité des agriculteurs, malgré les subventions de l’État. Pour la campagne agricole 2024-2025, l’État a accordé une subvention de 24,4 milliards de FCFA. Cependant, les engrais NPK sont cédés à 340 FCFA/kg, soit 17 000 FCFA le sac de 50 kg, contre 14 000 FCFA l’an dernier ; l’engrais urée à 300 FCFA/kg, soit 15 000 FCFA le sac ; et les engrais SSP et KCl à 280 FCFA/kg, soit 14 000 FCFA le sac. Les pesticides homologués pour 2024-2025 varient entre 3 500 et 8 000 FCFA selon le type et la quantité.

Même si l’État s’efforce de subventionner les engrais chaque année, les prix augmentent régulièrement, passant de 12 000 FCFA à 17 000 FCFA aujourd’hui. Les agriculteurs s’inquiètent, car la productivité n’est pas à la hauteur des attentes, et la baisse des prix d’achat des produits agricoles sur le marché local aggrave la situation, d’autant plus que les frontières sont fermées si non presque pour bon nombre d’entre eux.

« Le prix de l’engrais n’est pas adapté pour nous, agriculteurs, et chaque année, il augmente, mais le prix d’achat des produits agricoles ne suit pas. Nous sommes passés de 12 000 FCFA à 17 000 FCFA cette année pour un sac d’engrais, mais les prix d’achat des produits n’ont pas bougé », déplore Mohamed Bawa Oscar, producteur de céréales et de soja, Président du Groupement des Agriculteurs Autonomes du Bénin.
Selon Adam Kora Aboubakari, producteur de maïs et Président des producteurs de maïs blanc à Sinendé, ils achetaient auparavant des engrais et pesticides venus d’autres pays, comme le Ghana, à des prix abordables. Mais, des recherches du ministère béninois en charge de l’agriculture révèlent la nocivité de ces intrants pour le sol. C’est ainsi que leur utilisation a été interdite. « Avec la cherté des intrants actuels, le coût de production a considérablement augmenté. Pour une production de maïs autrefois de 183 000 FCFA, nous en sommes à 437 000 FCFA aujourd’hui. Bien que le prix d’achat du maïs ait également augmenté, passant de 12 000 à 28 000 FCFA le sac, la baisse de productivité empêche la rentabilité », explique-t-il.

Le cas particulier des cotonculteurs…

Chez les cotonculteurs, la situation est similaire, bien que les intrants soient fournis par l’association interprofessionnelle du coton (AIC), qui prélève les frais après la récolte. « Je n’arrive plus à rentabiliser. Autrefois, je récoltais au moins deux tonnes et demie par hectare. Aujourd’hui, il est difficile d’atteindre une tonne. La qualité des engrais a diminué, les pesticides ne sont pas efficaces, et ces intrants restent chers », se plaint Kora Chabi Alassane, un cotonculteur.

Un système de crédit agricole devenu cauchemardesque

Pour d’autres spéculations comme le maïs, où les engrais et pesticides ne sont pas pré-fournis, les agriculteurs ont recours aux services de micro-crédits. Dans la plupart des cas de prêt agricole, les producteurs se retrouvent dos au mur. Souvent, cela se transforme en cauchemar si la productivité n’est pas au rendez-vous. « Nous sommes endettés auprès des banques et du Fonds National de Développement Agricole (FNDA), sans oublier les dettes entre nous, appelées « abatèrè » », souligne Adam Kora Aboubakari. Ce système d' »abatèrè » permet de financer les producteurs avant la récolte, mais ceux-ci se retrouvent souvent endettés si les rendements ne sont pas satisfaisants.

Appel à l’aide et à la revalorisation des prix

Des mesures de revalorisation des prix d’achat des produits et des accompagnements spécifiques sont nécessaires pour sortir les producteurs du cycle infernal de paupérisation.
Pour certains, l’État doit également faciliter l’accès aux semences certifiées, qui augmentent la productivité. « L’État doit nous accompagner. Si un agriculteur obtient 4 à 5 sacs de maïs à partir de 2 sacs de semences, il est prêt à payer l’engrais même à 20 000 FCFA, car le rendement y est », note Adam Kora Aboubakari. Clairement, pour cette catégorie d’acteurs, la subvention devrait donc aller du côté de la mise à disposition des semences certifiées pour leur garantir une meilleure productivité.

Pour d’autres, il faut la revalorisation des prix d’achat des produits et une baisse des prix des intrants. «Je demande humblement au gouvernement de penser à nous, en augmentant le prix d’achat du coton et en diminuant le prix des intrants », plaide en effet Kora Chabi Alassane. Bien que le prix d’achat actuel du coton soit en hausse par rapport à trois années en arrière, les producteurs estiment que l’augmentation du prix des intrants érode leurs bénéfices.
Pour sortir les agriculteurs béninois de la paupérisation, tous les espoirs sont portés sur le gouvernement, seul soutien tangible pouvant œuvrer pour leur épanouissement.

Moudachirou ALIOU

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