CAMPAGNE AGRICOLE 2022-2023 : La production vivrière en souffrance malgré les mesures gouvernementales

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La campagne agricole 2022-2023 avance à grands pas. Au Nord du Bénin, les producteurs s’attèlent autour de plusieurs activités depuis son début. Mais sur le terrain, ils restent confrontés à d’énormes difficultés malgré les mesures gouvernementales liées à la subvention des intrants agricoles pour un bon déroulement de cette campagne agricole 2022-2023 conformément à son ambition dans le secteur agricole. Et des voix s’élèvent déjà pour voir le signe d’un mauvais présage pour l’atteinte des productions enregistrées ces dernières années.

Labour, semis, entretiens à savoir sarclage, herbicidage, engraissage, traitement phytosanitaire ; voici les activités qui font le lot quotidien des producteurs dans les champs. Ainsi, depuis le début de la seule saison pluvieuse dans la partie septentrionale, les agriculteurs travaillent d’arrache-pied pour gagner le pari d’un bon rendement à l’issue de cette campagne agricole. Que ce soient les cultures commerciales telles que le coton, le soja ou celles vivrières comme le maïs, le sorgho, le haricot et biens d’autres, ce sont plusieurs milliers d’hectares qui sont installés. « Quand la saison commence, le souci de tout producteur c’est de labourer, de semer, d’entretenir les champs », a confié Mama Gahou Mousamilou, ingénieur agronome chargé de la production au centre universitaire de Djougou rencontré en pleine supervision de ses ouvriers. Des propos appuyés par Kindo Patrice, un producteur rencontré en plein semis de sorgho dans son champ en fin de matinée avec son épouse : « Pour le moment, je suis dans le labour pour le soja parce que nous sommes vers la fin de la semence du soja à la fin du mois de juillet et au plus tard jusqu’au 10 août ; il y a des ouvriers qui me font les buttes pour planter le manioc ». Dans leur lot d’activités, les agriculteurs connaissent plusieurs difficultés au cours de la campagne agricole en cours.
Le lot de difficultés des producteurs…
Les multiples problèmes sont pour la plupart similaires sur le terrain. « On ne peut pas mentir, il y a trop de difficultés. », se désole Kindo Patrice dans l’arrondissement de Sérou dans la commune de Djougou. Pour ce producteur, elles sont entre autres liées au manque de la main d’œuvre pour le labour mais aussi au problème de machines agricoles comme les tracteurs, à la cherté des semences et surtout à la cherté des intrants notamment l’engrais. « Moi je ne peux pas faire le maïs cette année parce que déjà le sac de l’engrais est à 17 000 Fcfa quelque part et 22 000 Fcfa quelque part d’autre », se lamente-t-il très inquiet. Les propos du sieur Kindo sont loin d’être un cas isolé. Bon nombre de producteurs rencontrés sur le terrain expriment les mêmes inquiétudes « C’est la cherté des intrants qui tue la production cette année, c’est la difficulté la plus notée. » lâche Amadou Bio rencontré dans son champ de soja de plus de six hectares dans l’arrondissement de Béterou, commune de Tchaourou. Il est rejoint dans ses propos par Mama Gahou Mousamilou. « Le véritable problème, ce sont les intrants agricoles. Cette année, moi j’ai produit plus de dix hectares. Je vais pour prendre d’engrais au niveau des magasins Sodeco à Djougou et on me dit que j’ai droit à deux sacs maxi par jour quand bien même que le sac est cédé à 14 000 Fcfa dans ces magasins Sodeco. Et ceci, il faut faire les rangs. Tu y passes toute la journée il n’y a pas d’engrais. Des fois même les gens font 72 heures à une semaine avant d’en trouver un sac. » Pour lui, le prix des engrais ne pose pas de problème mais sa libération à temps pour les producteurs.
Cependant, il n’y a pas que des problèmes liés aux intrants agricoles. Si pour certains producteurs rencontrés les insecticides sont disponibles, d’autres crient la cherté de leurs prix qui varient cette année entre 5000F, 6000F, 7000F, 10 000F à 11 000F, selon les principes actifs qui s’y trouvent dans les bidons. Il y a aussi le problème de pluie et il ne se pose pas de la même façon partout. Ce qui fait que les avis des producteurs sont divers à ce propos. « Pour le moment, la pluie ne nous a pas encore trop embêté. Elle a tardé un peu, mais est venue au bon moment quand même. » a laissé entendre Kindo Patrice. Pour sa part, Mama Gahou Mousamilou constate que les pluies sont irrégulières au niveau de Djougou. « Quand elle veut arriver, elle vient de façon drue et quand elle s’arrête elle peut faire une semaine avant une autre pluie. Quand ça se passe comme ça, ce n’est pas bon pour les cultures. » a expliqué cet Ingénieur agronome. Pourtant, pour un bon rendement agricole au Bénin, le gouvernement a pris des mesures liées à la subvention des intrants agricoles au début de la campagne agricole en cours.
Les mesures gouvernementales quant aux intrants agricoles…
En ce qui concerne la filière coton, les acteurs, prenant la mesure des enjeux, ont décidé de subventionner les prix des engrais y compris pour les vivriers à raison de 11,5 milliards de Fcfa par l’Association Interprofessionnelle du Coton (Aic) sur ses réserves stratégiques et 13 milliards de Fcfa par les égreneurs. Malgré cet effort substantiel, l’Etat s’est montré conscient de son intervention requise pour stabiliser les prix de cession à un niveau soutenable, en vue de favoriser une campagne agricole performante notamment en ce qui concerne les produits vivriers. C’est pourquoi le Conseil des

ministres, en sa séance du 20 avril 2022, a marqué son accord pour qu’il soit renoncé temporairement au prélèvement par l’Etat, de la « contribution à la recherche agricole » ainsi que de la « recherche de promotion agricole » au titre de la campagne agricole 2021-2022, le tout représentant un appui de 31,5 milliards de Fcfa. Ainsi, au titre de la campagne 2022-2023, les engrais toutes catégories confondues sont cédés à 280 Fcfa par kilogramme soit 14 000 Fcfa le sac de 50kg. Quant aux insecticides de coton, 3 500 Fcfa/kg pour le traitement de demi hectare ; 3 500Fcfa/l pour les herbicides totaux ; 7 011 Fcfa/l pour les herbicides sélectifs et ceux sélectifs précoces. En prenant ces mesures, le gouvernement vise une production agricole performante et disponible pour la consommation nationale. Alors pourquoi les producteurs font encore face aux difficultés constatées en termes d’intrants agricoles au cours de cette campagne ? Quelles autres mesures fallait-il prendre pour accompagner la subvention des intrants agricoles ? Beaucoup de producteurs rencontrés sur le terrain soutiennent que les mesures liées à la subvention ne peuvent pas, à eux seuls, suffire. « Si les engrais sont disponibles, alors il faut les mettre à temps à la disposition des producteurs », a suggéré Mama Gahou Mousamilou rencontré dans l’exploitation agricole du centre universitaire agricole de Djougou dans l’arrondissement de Sérou. Cet ingénieur agronome chargé de la production dudit centre pense même qu’on ne devrait pas limiter le nombre de sac d’engrais. « Le prix de l’engrais ne pose pas de problème mais sa libération », a-t-il fait remarquer. Tout en encourageant l’Etat à continuer de subventionner les intrants agricoles, plusieurs producteurs croient qu’il peut mieux faire à cet effet.
Vu les difficultés que traversent les producteurs sur le terrain, des voix s’élèvent déjà pour voir le signe d’un mauvais présage par rapport aux productions à réaliser à l’issue de la campagne 2022-2023.
« On ne peut pas maintenir cette année nos records de production parce que les gens éprouvent des difficultés pour cultiver les produits vivriers au cours de cette saison.», nous a confié KindoPatrice qui a indiqué avoir cultivé le soja seul. Il sera réconforté dans son impression par d’autres acteurs agricoles. « A mon avis, la production vivrière va chuter, surtout celle du maïs. Même la performance du coton va baisser » avance le chargé de production du centre universitaire agricole de Djougou. Il a même fait comprendre que dans la Donga, les gens ont plus cultivé les légumineuses vu les problèmes de disponibilité d’engrais.
Pour cette campagne agricole 2022-2023, malgré l’engagement des producteurs sur le terrain, ils sont à bien des égards, entre le marteau et l’enclume. Sans être un oiseau de mauvais augure, cette campagne agricole semble se dérouler sous de mauvais auspices, en raison particulièrement de la flambée galopante des prix des intrants agricoles. Pourtant, le Bénin est devenu 1er producteur de coton depuis la campagne agricole 2018-2019 avec 715 000 tonnes jusqu’à cette dernière avec une production stabilisée à 731 000 tonnes. Quant aux cultures vivrières, il s’était distingué comme 2ème producteur dans l’esoace Uemoa en 2019. Pendant ce temps, le Gouvernement mise actuellement sur un million de tonnes pour les deux dernières campagnes prochaines.

L. Sébastien DOFFA

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