Intégration de l’agriculture et de l’élevage au Bénin : Une solution à promouvoir pour la sécurisation de l’environnement et du producteur

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Au Bénin, les difficultés des producteurs en rapport avec la fertilité des sols se sont accrues, surtout à cause de la pression démographique. L’intégration entre l’agriculture et l’élevage figure parmi les solutions les mieux appropriées à cette situation. Mine d’or de savoirs endogènes de vieille date, l’intégration de l’agriculture à l’élevage est une pratique à mille facettes et bénéfique aux communautés rurales. Mais quel est aujourd’hui, l’état des lieux du système agricole intégré au Bénin ? En quoi l’intégration de l’agriculture et de l’élevage permet-elle de valoriser les complémentarités entre les systèmes de culture et ceux de l’élevage pour réduire la consommation de carburant, de fertilisants chimiques et d’aliments concentrés ?

Par L. Sébastien DOFFA

Quand on parle de l’intégration l’agriculture et de l’élevage, c’est cette bonne mixture, ce bon mélange à travers les composantes hommes, plantes et animaux, ceci suivant une bonne organisation du producteur. L’intégration de l’agriculture-élevage, c’est donc comment les producteurs, les agriculteurs arrivent à fédérer et à mettre ensemble la composante plante et la composante élevage de façon à tirer le meilleur profit. A l’origine, l’agriculture était intégrée. Ainsi, les débuts de l’agriculture sont les débuts de l’intégration et remontent à dix millions d’années par le passé. « C’est un savoir ancestral, endogène, local », précise le Professeur Mohamed Nasser Bako, enseignant-chercheur, directeur adjoint de l’Ecole doctorale science agronomique et de l’eau (Edsae) de l’Université de Parakou et spécialiste des ressources végétales. Dans quel contexte les pouvoirs publics ont fait recours à ce type de modèle agricole ?

Récit du contexte qui a amené les pouvoirs publics à recourir à l’intégration…

L’intégration agriculture-élevage est apparue dans le monde vers la moitié du siècle dernier, et particulièrement en Afrique dans les années 1970 comme une solution très avantageuse, susceptible d’ouvrir de nouvelles perspectives à un système agricole en stagnation ou en recul tout en étant une alternative pour un système d’élevage pastoral en péril selon l’étude de Ouédraogo en 1998. En effet, la pression démographique a occasionné la raréfaction des terres cultivables et de pâturages au profit des habitations et en même temps une augmentation galopante de la demande en produits alimentaires d’origine agricole. Ainsi, les producteurs ont-ils intensifié leurs productions agricoles et du coup ont progressivement fait chuter la fertilité de ces quelques hectares encore affectés à la production agricole. L’urgence a été donc de trouver des solutions alternatives pour compenser un tant soit peu les prélèvements et restaurer progressivement la fertilité de ces terres.  Cette situation a facilité l’avènement des pratiques d’intégration agriculture-élevage qui, depuis des décennies, sont mises en œuvre par les agriculteurs et les éleveurs en vue d’améliorer la productivité et faire face à la demande des produits alimentaires sans cesse croissante, selon une étude de Djénontin en 2010. Quelles sont alors les différentes formes de l’intégration agriculture-élevage ? Que vise chacune de ces formes ?

Les Siae, diverses formes pour une multitude d’intérêts et avantages…

 Les Systèmes Intégrants Agriculture Elevage Endogènes (Siae) sont de plusieurs formes. Ces formes sont selon le Professeur Mohamed Nasser Bako, fonction de l’utilisation des produits de cette intégration ; c’est-à-dire quelle plante les producteurs mettent ensemble et avec quel type d’espèces animales ils la combinent. Derrière chaque forme d’intégration, un objectif est visé. C’est donc une multitude de logiques qui peuvent amener les producteurs à faire de l’intégration, précise ce spécialiste des ressources végétales. Il y a des formes orientées vers l’économie, la question de régénération de revenus, la sécurité alimentaire ou suppléer à la baisse de la fertilité des sols

La fertilité des terres agricoles, la base de la survie des ménages ruraux du Bénin

Le secteur agricole béninois, occupe environ 70°/° de la population active et contribue pour environ 33, 2 °/° à la formation du Produit Intérieur Brut (Pib) selon les données de l’Institut national des statistiques et de l’analyse économique, en 2008 (Insae). Malgré cette importante frange de la population qui se retrouve dans le secteur, la proportion de personnes estimées en insécurité alimentaire en milieu rural (15,3 °/°) est près de deux fois supérieure à celle en milieu urbain (7, 9 °/°) selon le Programme alimentaire mondial (Pam). L’amélioration des performances du secteur agricole constitue la clé de voûte des solutions aux problèmes de la famine et de la pauvreté (INPRI, 2003). Par ailleurs, le déclin de la fertilité des sols lié à la surexploitation des terres a entraîné une diminution sensible de la productivité et des rendements de culture, la dégradation voire la détérioration de la base des ressources naturelles. Les revenus agricoles en sont amoindris et la pauvreté s’installe progressivement tout en rendant difficile l’accès aux intrants.

Pour y remédier, l’intégration agriculture-élevage a été proposée dès les années 90 pour intensifier les systèmes de production grâce aux trépieds vertueux de la traction animales (travail des sols à la charrue), la production de fumure organique (étable fumière, parc amélioré) et de fourrage (stockage de résidus de culture, culture fourragère), selon les travaux d’étude de Dugué et de Landais, 1989 et 1990.  Ainsi, l’intégration de l’agriculture et de l’élevage permet-elle de valoriser les complémentarités entre les systèmes de culture (production fourragère, fixation de l’azote et recyclage des éléments minéraux) et les systèmes d’élevage (production de fumure organique et d’énergie) pour réduire la consommation de carburant, de fertilisants chimiques et d’aliments concentrés. Opter pour l’intégration, c’est opter pour réduire les impacts négatifs de l’agriculture sur l’environnement.

L’adoption des Siae augmente les revenus des producteurs…

Dans ce cas-ci, la performance se rapporte ici à l’amélioration du revenu des producteurs, et donc le revenu sera utilisé comme une mesure de performance. L’analyse de la performance des Siae endogènes entreprise est fondée sur la comparaison des moyennes des revenus obtenus par les producteurs des trois catégories des Siae endogènes. Le revenu des producteurs de la catégorie « Intégration totale » est largement supérieur à celui des producteurs de la catégorie « Faible intégration » qui est à son tour supérieur au revenu des producteurs de la catégorie « Pas d’intégration ». Les résultats de cette comparaison de moyennes indiquent également que le modèle est globalement significatif. Ces résultats précisent par ailleurs qu’il y a une différence significative entre les revenus obtenus par les producteurs des trois niveaux d’intégration avec une tendance évolutive au fur et à mesure que le niveau d’intégration augmente. Ainsi, l’intégration agriculture-élevage contribue-t-elle à l’amélioration des revenus de producteurs ; ce qui explique cette différence. Il est ainsi observé une amélioration du revenu des producteurs ayant recours à l’intégration agriculture-élevage.En moyenne, il est admis que 60 à 70% de l’azote, 80 à 85% du phosphore et 95 % du potassium ingérés se retrouvent dans les déjections, renseignent certains travaux d’études des chercheurs menés en 1993. C’est pourquoi la fumure organique dont l’application fournit des éléments nutritifs aux plantes et améliore la structure du sol est de plus en plus promue, selon les chercheurs et spécialistes. Parmi ces fumures organiques, il y a les fientes de poulets très prisées en agriculture urbaine au Sud Bénin et qui reviennent moins chères aux maraichers, selon une étude menée par Atidégla en 2011. Cela se traduit donc par la réduction des coûts de production des cultures, l’augmentation de la productivité et par ricochet l’augmentation de la marge financière issue de la vente de ces produits. En ce qui concerne les animaux, leur alimentation aux résidus de récoltes réduit les coûts de production, et donc permet aux producteurs d’investir ses ressources financières dans d’autres activités. C’est ce qui ressort d’une étude de Kpanou en 2014. Par ailleurs, l’intégration agriculture-élevage, peut permettre de réduire les effets pervers des conflits entre agriculteurs et éleveurs à cause de la pénurie des terres et des mouvements de pâturages, au-delà des avantages liés à l’environnement, aux rendements et à la productivité. En effet, l’intégration favorise la sédentarisation des éleveurs et évitera la destruction des champs des agriculteurs.  En marge de ces nombreux avantages, l’état des lieux de ce modèle agricole est aujourd’hui peu reluisant au Bénin.

Etat des lieux de l’intégration aujourd’hui au Bénin …

Un regard sur la pratique de l’intégration agriculture-élevage au Bénin permet de faire un certain nombre de constats. « On est effectivement dans un système hybride où on a certains qui font véritablement de l’intégration, qui sont d’ailleurs contraints », précise le Professeur Mohamed Nasser Bako. Ce spécialiste des ressources végétales ajoute qu’on rencontre des agropasteurs, des pasteurs et d’autres qui ne sont que des agriculteurs. Selon lui, à ces trois niveaux, il y a des extrêmes. C’est le cas, par exemple, des localités où l’on rencontre des agriculteurs qui ne cultive que le coton. Ces exploitations monoculturales sont à ses dires, des exploitations précaires et à risques. Selon lui, tous les avantages liés à l’intégration ne se retrouvent pas avec cette forme d’agriculture, contrairement aux exploitations où les gens ont pu réussir l’intégration comme par exemple dans les exploitations où les animaux passent après les récoltes pour s’alimenter, créant par ricochet des fertilisants pour le sol. C’est pourquoi le Professeur Bako invite les producteurs qui veulent avoir des exploitations stables et durables à rentrer dans la logique intégrative. Opter pour l’intégration, c’est opter non seulement pour la réduction des impacts négatifs de l’agriculture sur l’environnement mais aussi pour réduire les conflits entre agriculteurs et éleveurs et pour sécuriser les exploitations familiales : sécurité contre la famine, celle contre les risques des changements climatiques, conclue cet enseignant-chercheur. Toutefois, en vue de travailler pour l’intégration agriculture-élevage dans un contexte où l’agriculture béninoise fait face à d’énormes défis d’appauvrissement des sols et de pénurie de ces sols, accentués par les risques des changements climatiques, les pouvoirs publics ont un important rôle à jouer, 60 ans après les indépendances. Ce que doivent et peuvent faire les pouvoirs publics pour promouvoir l’intégration Ce que l’Etat doit faire, selon les sachants, c’est d’assurer ses fonctions régaliennes : édicter les lois et les faire respecter. En outre, disent-ils, en souscrivant aux conventions et autres textes internationaux pour protéger l’environnement, l’Etat doit également respecter ses engagements et faire en sorte que les Système Intégrant Agriculture Elevage Endogènes (Siae) soient promus. Mais cela va demander, insistent les chercheurs, la formation et l’encadrement. En effet, il faut une synergie d’actions entre les autorités compétentes des ministères de l’agriculture, de l’environnement et des enseignements secondaires et supérieur qui doivent réfléchir et revoir les programmes de formation en initiant ceux qui valorisent l’agriculture paysanne et les savoirs endogènes. Ensuite, le ministère de l’agriculture dans son rôle d’accompagnement, doit former ses vulgarisateurs et conseillers qui appuient les producteurs en leur apportant des messages qui mettent un accent particulier sur l’agriculture intégrée. Enfin, l’Etat peut aussi, selon les spécialistes, exonérer certaines taxes à ceux qui pratiquent l’agriculture intégrée et accompagner les éleveurs à pouvoir apprendre à faire de l’agriculture intégrée. Par ailleurs, une autre mesure que l’Etat peut prendre, c’est de faire en sorte qu’en réussissant à fixer les prix des produits agricoles, les prix des produits biologiques soient plus intéressants que ceux des produits qui ont été traités avec les pesticides et autres intrants chimiques. Car, soutiennent les chercheurs rapprochés, ce dont on parle, c’est de continuer à faire de l’agriculture, une agriculture intelligente, raisonnée et pensée qui est d’ailleurs aujourd’hui d’actualité en Afrique subsaharienne. Protéger les producteurs, les agriculteurs en prônant et en travaillant pour l’intégration agriculture-élevage, c’est le nouveau challenge pour un meilleur avenir de l’agriculture béninoise par ces temps de changements climatiques

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