IFEDOUN CHRISTOPHE ABALLO SUR L’AVICULTURE AU BENIN : « Pour devenir aviculteur, la première des ressources c’est la compétence… »
Dans ce numéro de la rubrique « ça vous intéresse », la rédaction de votre journal est allée à la rencontre de Ifedoun Christophe Aballo, Coordinateur de l’Union nationale des aviculteurs professionnels du Bénin (Unap-Bénin) zone 3. Dans cette interview qu’il nous a accordée, nous nous sommes intéressés au secteur avicole au Bénin. Lisez-plutôt !
Propos recueillis par Jacques D. BOSSE et transcrits par Nawas TOUGLO
AGRI IMPACT : Qu’est-ce que c’est que l’aviculture ?
CHRISTOPHE ABALLO : L’aviculture, c’est l’art d’élever les oiseaux. Nous entendons par aviculture l’élevage des oiseaux domestiques. Cela va sans dire que nous ne faisons pas allusion à l’élevage d’oiseaux sauvages. Lorsque vous attrapez une tourterelle ou un corbeau, vous le mettez en cage et que vous l’élevez, nous ne parlons pas de cette forme d’aviculture. Lorsque vous élevez des oies, des pintades, des canards, des dindons, des autruches, des pigeons, des poules, des cailles, etc, nous vous appelons aviculteur. Mais attention, aviculteur dans notre contexte, c’est celui-là qui élève ces oiseaux domestiques à des fins lucratives. C’est-à-dire qui en fait une activité professionnelle et qui en vit.
Quels sont les différents types d’aviculture pratiqués ici au Bénin ?
Dans la pratique, nous remarquons qu’il y a deux types d’aviculture au Bénin. L’une est traditionnelle et basée sur des races locales et améliorées. L’autre est essentiellement basée sur des souches de ponte et celle de chair. Mais l’un ou l’autre, pour être considéré dans notre contexte doit se faire de façon professionnelle.
Il se dégage aujourd’hui un constat ; le secteur attire de plus en plus de monde. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Effectivement à première vue, on pourrait se dire qu’il se dégage un engouement particulier aujourd’hui pour ce secteur. Mais cela me paraît comme un engouement apparent. Toutes choses égalent par ailleurs, lorsque nous considérons le nombre d’aviculteurs il y a 10 ans rapporté à la population du Bénin il y a 10 ans et qu’on reprend le même exercice aujourd’hui, le ratio qu’on va obtenir ce n’est pas évident qu’on parle d’engouement. Aujourd’hui toutes les structures et toutes les écoles parlent d’entrepreneuriat et encouragent de plus en plus les jeunes à cela. L’autre chose, c’est qu’au regard des transactions qui se font autour des œufs de nos jours, à priori on pense que ça doit être rentable ; donc sans grande étude, tout le monde s’y adonne. Mais attention ! La moitié de ces œufs-là vient d’ailleurs, ce n’est pas que la production locale. Ce qui pourrait susciter d’engouement vers le secteur et qui serait profitable, c’est plutôt la production de chair.
Est-ce que l’aviculture nourrit son homme ?
Comme tout métier, l’aviculture devrait nourrir son homme. Je ne dirais pas le contraire parce qu’aucun aviculteur n’est encore mort de faim. Donc l’activité nourrit bien sûr son homme même si cela n’est pas comme on l’aurait souhaité. Si l’aviculteur vous parle, vous allez comprendre qu’il a beaucoup d’attentes. Ils s’y maintiennent parce que c’est ce qu’ils ont appris, c’est ce qu’ils savent faire le mieux et se contentent des minces marges qu’ils réalisent actuellement dans l’espoir que le climat agricole va s’améliorer et l’aviculteur pourrait vivre d’emblée de son métier.
Parlez-nous des contraintes et défis qui freinent aujourd’hui l’essor du secteur et que faire pour les surmonter afin que l’aviculture soit un véritable levier de développement du Bénin ?
Oui, il y a vraiment beaucoup de contraintes dans cette activité. La viande de volaille consommée ici au Bénin est à plus de 80% importée et plus de la moitié des œufs consommés est également importée. Dans ce contexte, on ne peut pas se développer. C’est la plus lourde des contraintes aujourd’hui. Et le défi qui en découle est l’augmentation de la production nationale. Le Programme national de développement de la filière (Pndf) œuf de consommation s’inscrit bien dans cette logique. L’autre contrainte est la qualité des intrants notamment les poussins. Le défi lié à cette contrainte c’est également la production locale en termes de poussins. Il va falloir que des couvoirs se multiplient sur le plan national. Et pour ce faire, il faudrait aller à la consommation de la viande de volaille produite localement. Lorsque la consommation de la chair de volaille produite au Bénin sera une réalité, les entreprises certainement vont s’installer pour produire localement des poussins de qualité.
Peut-on savoir comment devenir aviculteur ?
Pour devenir aviculteur, la première des ressources c’est bien la compétence. Pour avoir les compétences nécessaires, il faut donc se faire former en la matière. Même si à un moment donné vous devrez payer les compétences pour vous faire accompagner dans le développement de votre entreprise, il serait quand même intéressant que vous même ayez des prérequis, un minimum de connaissances. Ainsi, ça vous aidera à mieux manager votre unité. En outre, il faut du matériel qui n’est pas grande chose ; sauf qu’il doit être de qualité et approprié pour rentabiliser en termes de mangeoires, d’abreuvoirs, de perchoirs, de pondoirs, de balances, de pulvérisateurs, des outils de nettoyage, de ménage, d’entretien etc.
Pour conclure cet entretien, quels conseils donneriez-vous à toutes ces personnes qui envisagent entreprendre dans l’aviculture ?
C’est une grosse décision. Mais qu’elles prennent le temps pour se renseigner. Je ne le dis pas pour faire peur à ceux-là qui ont l’intention de se lancer dans l’aviculture. C’est au regard du climat actuel qui n’est pas très favorable pour rentabiliser les investissements dans l’activité que je parle ainsi.